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Exonération des prestations de services rendues par un groupement autonome à ses membres

06/04/2017

Un nouveau rebondissement devant la Cour de justice de l'Union européenne

Dans la quatrième et dernière des affaires actuellement pendantes devant la Cour de justice de l'Union européenne sur le champ d’application et la portée du régime défini par l'article 132 paragraphe 1 sous f) de la directive TVA (transposé en droit interne à l'article 261 B du CGI), l'avocat général Melchior Wathelet contredit l'un principaux éléments de l'analyse que Madame Juliane Kokott avait proposée le 1er mars dernier par ses conclusions rendues dans le cadre des affaires C-605/15 Aviva et C-326/15 DNB Banka.

En l'espèce, la Commission européenne reproche à l'Allemagne de violer ces dispositions en restreignant son application aux seuls groupements constitués dans le secteur médical.

Parmi les arguments avancés pour sa défense, l'Allemagne fait valoir que l'exonération prévue par les dispositions de l'article 132 paragraphe 1 sous f) ne concerne en tout état de cause que des activités d'intérêt général, et ne peut être étendue aux groupements constitués dans les secteurs bancaires, financiers et de l'assurance.

La même thèse, déjà exposée par l'Allemagne dans ses interventions écrites et à l'audience dans les affaires Aviva et DNB Banka, avait conduit Madame Kokott à proposer à la CJUE de juger que les opérateurs de ces secteurs d'activité ne peuvent prétendre à l'exonération des services que leur rend un groupement de moyens.

Au terme d'une analyse particulièrement détaillée, Monsieur Wathelet conclut au contraire que l'exonération s'applique à l'ensemble des secteurs d'activité dans lesquelles une exonération de TVA s’applique pourvu que les conditions fixées par les dispositions de l'article 132 paragraphe 1 sous f) sont respectées.

Selon lui, et comme nous l'avions fait observer dans nos commentaires précédents, les travaux législatifs portant sur cette exonération montrent que les États membres ont toujours considéré qu'elle concerne l'ensemble des secteurs d'activités. Cette interprétation est selon Monsieur Wathelet corroborée par le libellé de cet article sans que puisse y faire obstacle le titre du chapitre sous lequel il figure dans la directive ("exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général").

S'agissant du grief contre l'Allemagne, il l'estime justifié dès lors que non seulement l'exonération s'applique à toutes les activités, mais aussi que la restriction que prévoit la directive lorsqu'il existe un risque de distorsion de concurrence doit s'apprécier non pas de manière générale mais au cas par cas de chaque situation.

La Cour de justice devra désormais trancher entre ces deux thèses mais il est permis de penser que le caractère particulièrement étayé de l'analyse à laquelle s'est livrée Monsieur Melchior Wathelet pourrait emporter la conviction de la CJUE.

Nous rappelons toutefois que la Cour est également saisie, dans les quatre affaires en cours, de questions portant sur d'autres aspects de ce régime d'exonération tels que la nature des services susceptibles d'être exonérés, la consistance que doit avoir le groupement constitué en vue de partager les coûts et le champ d'application territorial de ces dispositions, autant de points qui ne sont pas abordés dans les conclusions rendues par Monsieur Wathelet sous l'affaire Commission contre Allemagne.

Un premier arrêt concernant le recours en manquement introduit par la Commission contre le Luxembourg (Aff. C-274/15) est annoncé par la CJUE pour le 4 mai 2017.

Il serait sans doute de bonne administration que les trois autres affaires, bien que non liées entre elles et dont les conclusions ont été rendues à un mois d'intervalle, soient néanmoins jugées ensemble dès lors que les deux avocats généraux parviennent dans l’analyse de la même question à des conclusions divergentes.

Ces arrêts ne seront toutefois vraisemblablement pas rendus avant au moins trois mois.
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Concl. CJUE, 6 octobre 2016, C-274/15, Luxembourg
Concl. CJUE, 1er mars 2017, C-326/15, DNB Banka AS
Concl. CJUE, 1er mars 2017, C-605/15, Aviva
Concl. CJUE, 5 avril 2017, C-616/15, Allemagne