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Implantations à l'étranger : du nouveau pour les PME

par Agnès de l'Estoile-Campi, avocat associée

28/05/2009

Pour inciter les PME à s'implanter à l'étranger, il existe désormais une incitation fiscale simple - l'imputation directe des pertes subies à l'étranger sur le résultat imposable en France - et facile d'application - les déficits étrangers sont imputés tels quels sans avoir à être retraités suivant les règles prescrites par le Code général des impôts.

Cette nouvelle incitation est prévue par l'article 209 C du CGI créé par la loi de finances pour 2009 en vue d'une première application aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2009.

L'impôt sur les sociétés français repose sur un principe de territorialité qui veut que seuls sont imposés les bénéfices découlant des entreprises exploitées en France et que seules sont déductibles les pertes subies en France. Le nouvel article 209 C du CGI introduit donc une exception à ce principe. Jusqu'à présent, on connaissait les exceptions-sanctions à la règle de territorialité de l'impôt, comme l'article 209 B du CGI qui vise les implantations dans les pays à fiscalité privilégiée. Il existe une autre exception, le bénéfice mondial consolidé, qui permet de calculer les résultats imposables d'une société française en tenant compte de l'ensemble des résultats de ses exploitations directes ou indirectes situées en France et à l'étranger. Toutefois, ce régime est toujours resté confidentiel car octroyé sur agrément préalable de l'administration. Il est en pratique réservé aux grandes entreprises et nécessite une armada de comptables et fiscalistes pour reconstituer le résultat consolidé. L'article 209 C s'adresse aux PME françaises pour les encourager dans leur expansion internationale. Bien sûr, la fiscalité n'est qu'un des paramètres qui entrent dans la décision de s'implanter sur un nouveau marché mais la mesure est plutôt bienvenue dans ces temps incertains où des relais de croissance peuvent justement être trouvés ailleurs que sur le marché national.

1. Les entreprises éligibles

Ce sont les entreprises occupant moins de 2000 salariés et qui ne sont pas détenues directement ou indirectement à plus de 25 % par une entreprise ou de manière conjointe par plusieurs entreprises ayant un effectif salarié supérieur à 2000 salariés. Lorsque la PME fait partie d'un groupe fiscal, l'effectif salarié est apprécié au niveau du groupe. Cette précision écarte de fait les sociétés mères ou filiales d'un groupe intégré dès lors qu'au niveau global, le groupe compte plus de 2000 salariés. Le seuil de 25 % s'apprécie au regard du capital et des droits de vote. Ne sont pas prises en compte pour le calcul de ce seuil les participations détenues par des SCR (société de capital risque), FCPR (fonds communs de placement à risques), SDR (société de développement régional) et des SFI (sociétés financières d'innovation) dès lors qu'elles n'ont pas de lien de dépendance avec la PME.

Les entreprises concernées doivent être soumises à l'impôt sur les sociétés, y inclus celles qui bénéficient du taux réduit d'imposition. En revanche, en sont exclues celles qui bénéficient d'un régime d'exonération d'impôt spécifique (comme les entreprises nouvelles ou celles installées dans les zones franches urbaines).

Les pertes étrangères déductibles sont celles encourues directement par les succursales ou celles subies par des filiales détenues en direct et de manière continue à 95 % au moins, sauf si la législation locale plafonne à moins de 95 % le taux de détention du capital par les étrangers. La succursale ou la filiale étrangère doit être soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés français. La condition de détention continue requiert que la participation soit détenue à l'ouverture de l'exercice. Une filiale acquise en cours d'exercice devient éligible au titre de l'exercice suivant.

2. La localisation des succursales et filiales étrangères

Le texte vise non seulement les implantations situées dans l'Union européenne mais aussi celles situées dans tout pays avec lequel la France a signé une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en matière d'échange de renseignements et de lutte contre l'évasion fiscale. On peut se référer utilement à la liste donnée par l'administration fiscale en annexe 1 de son instruction sur la taxe de 3 %: y figurent notamment les "BRIC" (Brésil, Russie, Inde, Chine), les pays d'Afrique du Nord, le Japon ou les Etats-Unis.

3. Application aux installations existantes

Il est important de relever que le nouvel article 209 C, s'il est entré en vigueur au 1er janvier 2009, n'est absolument pas réservé aux nouvelles implantations des PME à l'étranger. Il peut donc trouver à s'appliquer à des installations déjà existantes sous réserve qu'elles répondent aux conditions requises.

D'autre part, la loi ne pose aucune condition quant à la nature de l'activité exercée par la succursale ou la filiale située à l'étranger ni quant à celle exercée en France par la PME. Enfin, l'avantage n'est subordonné à aucun investissement nouveau ou à une taille minimale de l'investissement effectué à l'étranger. Ainsi, une activité déployée au sein d'une succursale ou d'une filiale même en phase de démarrage entre dans le champ d'application de la mesure. Toutefois, la création d'un bureau de représentation, dont la vocation est de fournir des informations sur le marché local, et qui constitue souvent la première étape de l'implantation à l'étranger, ne devrait pas être éligible, dans la mesure où un bureau de représentation n'est pas considéré comme un établissement stable au sens de la plupart des conventions fiscales et n'est donc pas imposé localement.

4. Comment çà marche ?

Il s'agit d'une déduction directe sur le résultat imposable en France des déficits subis à l'étranger par les succursales ou les filiales éligibles. Contrairement à ce qui se passe dans l'intégration fiscale ou sous le régime du bénéfice mondial consolidé, il ne s'agit pas de déterminer un résultat d'ensemble. Aucun retraitement du déficit étranger n'est requis, si bien que le montant qui sera pris en compte en France sera celui tel que déterminé selon les lois fiscales locales, converti au taux de change du jour de clôture de l'exercice (pour les implantations hors zone euro). Notons aussi que c'est l'intégralité du déficit de la filiale étrangère qui est imputable en France même si la détention n'est que de 95 %. En pratique, la déduction s'opère de manière extra-comptable (il s'agit d'une simple écriture sur la liasse fiscale).

L'avantage ainsi procuré aux PME est toutefois limité dans le temps et ne leur donne qu'une facilité de trésorerie. En effet, les déficits imputés devront être réintégrés fiscalement aux résultats imposables en France au fur et à mesure que l'implantation étrangère dégage un bénéfice et au plus tard au titre du cinquième exercice suivant celui de la déduction. Une perte déduite au titre de 2009 devra donc être au plus tard réintégrée en 2014 et si l'implantation à l'étranger dégage des profits avant cette date, les déficits imputés en 2009 seront rapportés à hauteur du profit réalisé au titre des exercices 2010 à 2013.

5. Un dispositif a priori pérenne

Il y a 20 ans environ, la législation fiscale contenait un dispositif un peu similaire qui prenait la forme de déductions de provisions pour implantations à l'étranger, ce qui revenait en pratique à prendre en compte en France des charges afférentes à des exploitations situées hors de France. Ce régime n'avait pas figuré à l'époque dans la catégorie des mesures dommageables du code européen de bonne conduite en 1997. Mais il avait été regardé comme une aide d'Etat interdite par le traité CE. Il avait d'ailleurs été supprimé en 2004.

L'article 209 C introduisant une incitation fiscale, il était essentiel, pour en assurer la pérennité, de faire en sorte qu'il ne puisse pas tomber sous le coup des critiques de la Commission européenne. Ainsi l'article 209 C, anticipant les critiques, prévoit un plafonnement de l'avantage octroyé en accord avec la réglementation communautaire des aides de minimis.

Le plafond général est de 200 000 € sur une période de trois exercices fiscaux. Toutefois, la Commission a relevé ce seuil à 500 000 € pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. Les PME pourront donc bénéficier du plafond relevé sur 2009 et 2010 et se retrouveront à partir de 2011 sous le plafond général de 200 000 €. Ce n'est pas le montant des déficits imputés qui sera pris en compte mais le montant de l'avantage de trésorerie en résultant. On attend des précisions de l'administration fiscale sur le mode de calcul du montant de l'aide publique à retenir dans le cadre de l'article 209 C pour déterminer quand et comment le plafond est atteint.

6. Remise en cause du régime

Elle peut intervenir dès lors que la PME ne remplit plus les conditions de fond d'application du dispositif ou si elle cesse de détenir la filiale de manière continue et directe ou ferme sa succursale. Dans ces hypothèses, elle perd le droit d'imputer les déficits et doit également rapporter au titre de l'exercice au cours duquel elle sort du régime les déficits déduits antérieurement et non encore réintégrés dans les résultats des exercices précédents.

Article paru dans la revue Option Finance du 30 mars 2009

Auteurs

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Agnès de L'Estoile-Campi
Associée
Paris