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La France durcit son dispositif anti fraude fiscale

20/10/2009

Il est indéniable que la France a récemment durci sa législation visant à combattre la détention d’actifs ou de valeurs non déclarés, détenus à l’étranger et principalement dans des Etats ou Territoires dits non coopératifs. Ses efforts ont porté tant sur le plan interne que sur le plan international.

1. Au plan interne

La loi de finances rectificative pour 2008 a notamment porté à dix ans en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés, le délai de reprise applicable lorsque certaines obligations déclaratives concernant un Etat ou territoire non coopératif n'ont pas été respectées.

Il s’agit (i) de l’obligation de déclaration des entités financières établies dans un pays à régime fiscal privilégié dans lesquelles le contribuable personne physique détient une participation d'au moins 10 % (CGI art. 123 bis et ann. II art. 50 septies), (ii) de l’obligation de déclaration des entités établies dans un pays à régime fiscal privilégié dans lesquelles le contribuable personne morale détient une participation de plus de 50 % (5 % en cas de fractionnement des participations) (CGI art. 209 B et ann. II art. 102 Z à 102 ZB), (iii) de l’obligation pour les personnes physiques, les associations et les sociétés n'ayant pas la forme commerciale de déclarer les références des comptes ouverts, utilisés ou clos par elles à l'étranger (CGI art. 1649 A), enfin (iv), de l’obligation pour les personnes physiques de déclarer les contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger (CGI art. 1649 AA).

A cette occasion, ont été visés les Etats ou territoires non coopératifs. Il s’agit, aux termes de la loi, d’un Etat ou d’un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Cette définition vise en fait les pays qui pratiquent le secret bancaire.

Selon les premiers commentaires, il n'est pas nécessaire qu’une convention prévoie expressément l'échange d'informations de nature bancaire mais cet échange doit pouvoir avoir lieu dans le cadre conventionnel. L’administration a indiqué à ce titre qu’une liste « blanche » des pays avec lesquels la France a conclu une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui permet l'accès aux informations bancaires devrait figurer dans l'instruction administrative qui commentera cet article.

2. Au plan international

C’est dans ce cadre que la France, à la suite notamment de la conférence du G20 du 2 avril 2009, a annoncé avoir signé le 3 juin 2009 un avenant à la convention fiscale franco luxembourgeoise visant à modifier l’article 22 « Échange de renseignements » de la convention, et le 12 juin dernier, avoir convenu avec les autorités suisses d’un nouveau texte, devant être inséré dans l’avenant signé entre les deux Etats le 12 janvier 2009, conforme aux derniers standards du modèle OCDE et aux termes duquel la Suisse s’engagerait à ne plus faire obstacle à la transmission de renseignements bancaires.

Les autorités fiscales françaises, qui communiquent assurément beaucoup sur ces questions, ont indiqué avoir engagé des discussions avec leurs principaux partenaires européens, dont la Belgique, la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg, en vue de réformer les dispositions relatives à l’échange de renseignements figurant dans leurs conventions fiscales bilatérales, afin d’accroître la transparence fiscale en adoptant une rédaction conforme aux derniers standards du modèle de convention de l’OCDE.

D’autres négociations seraient également en cours, notamment avec le Liechtenstein.

Le processus d’avancement n’est pas au même stade au Luxembourg et en Suisse. Pour la Suisse, d’une part, le communiqué de presse indique que la signature des ministres a été fixée "après l’été », d’autre part, les autorités helvétiques ont rappelé que la convention, une fois paraphée par la Suisse et la France, sera soumise pour avis aux cantons et aux milieux économiques intéressés, avant d'être transmise au Conseil fédéral, compétent pour autoriser la signature ; une fois la convention signée, les Chambres fédérales décideront s'il convient de soumettre la CDI au référendum facultatif avant que celle-ci puisse entrer en vigueur. Il n’en reste pas moins que les nouvelles dispositions sont ou devraient être dans les deux cas conformes au modèle OCDE.

L’avenant d’ores et déjà signé avec le Luxembourg est conforme au modèle OCDE.

3. Ce qui va changer en pratique

L'accord franco-luxembourgeois prévoit l’échange par les autorités compétentes des deux Etats des renseignements « vraisemblablement pertinents » pour appliquer les dispositions de la Convention ou pour l’administration ou l’application de la législation interne relative aux impôts de toute nature perçus pour le compte des deux Etats, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’imposition qu’elles prévoient n’est pas contraire à la Convention.

Il contient le principe classique selon lequel les renseignements reçus sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de l’État et ne peuvent être communiqués qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts visés, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède.

Il prévoit également que les dispositions qui précèdent ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l’obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre État contractant, de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre État contractant, de fournir enfin des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public.

Enfin, et il s’agit, à l'égard des pays concernés de « l’avancée » la plus significative, il est prévu qu’en aucun cas l'un des deux États contractants ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux ci seraient détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne.

Le texte devant être inséré dans l’avenant à la convention franco suisse devrait être à peu près identique.

Les nouvelles dispositions n’entreraient en vigueur une fois les différentes procédures de promulgation achevées qu’au plus tôt pour les revenus afférents à l’année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier 2010.

De plus, le mécanisme retenu n’est pas celui de l’échange automatique et/ou spontané d’informations concernant les résidents de l’autre pays. Sont également écartées les demandes dites de « pitching » c'est-à-dire globales et non précises, les demandes devant être précises, circonstanciées et suffisamment motivées pour justifier au regard d’impositions recherchées, la communication des informations demandées.

Enfin, l’Etat requis ne pourra pas, dans le cadre des ses obligations conventionnelles, prendre des mesures administratives qui dérogeraient à sa législation et/ou à sa pratique administrative, ou bien encore fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale, ou enfin fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à son ordre public.

par Richard Foissac, Avocat associé

Article paru dans la revue Option Finance du 29 juin 2009

Auteurs

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Richard Foissac
Associé
Paris