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La loi d’orientation des mobilités (LOM), l’ouverture des données et le respect de la concurrence

Vers un modèle économique libéralisé

04/03/2020

En même temps que la loi d’orientation des mobilités (LOM) favorise l’ouverture des données des opérateurs de transport, elle marque une nouvelle ère dans la régulation de la concurrence entre les opérateurs de plateforme de services de mobilités.

Ouverture des données et libre concurrence : un débat prégnant mais pas nouveau

La question de l’accès des données et du respect de la concurrence est stratégique, mais n’est pas nouvelle. Des décisions fondatrices de la Commission européenne et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui datent des années 1990 concernaient déjà l’accès aux données en tant que facteur permettant la pleine concurrence ou la restreignant en cas d’insuffisance d’accès.

Par exemple, dans les affaires IMS ou Magill, la CJUE a considéré que constituait une « facilité essentielle » un intrant nécessaire à l’exercice d’une activité économique et que l’opérateur qui exploitait une telle facilité était tenu, en vertu des règles du droit de la concurrence, d’en consentir l’accès à ses concurrents (CJCE, 6 avril 1995, C-241/91 P et C-242/91 P, Magill ; CJCE, 29 avril 2004, C-418/01, IMS Health c/ NDC Health). Il ne s’agissait pas, à l’époque, de données numériques mais de données physiques mais cette problématique et son appréhension par le droit de la concurrence restent similaires.

Cette problématique prend bien évidemment un relief particulier à l’ère du numérique pour deux raisons principales : la massification de la collecte des données et la sophistication des données collectées qui permettent des développements technologiques très larges. Le secteur des mobilités, avec le développement de multiples outils et applications, pose des questions cruciales auxquelles la LOM tente d’apporter des réponses.

Les difficultés d’application du droit de la concurrence dans le secteur du numérique

Les autorités de la concurrence réfléchissent depuis longtemps déjà l’application des règles de concurrence au secteur du numérique. Des outils existent aujourd’hui. Certaines pratiques anticoncurrentielles sont ainsi encadrées, mais l’on se heurte aux trois écueils ci-après en matière d’efficacité des outils de la concurrence :

  • les autorités de concurrence interviennent généralement ex post alors que, compte tenu des innovations technologiques sans cesse renouvelées, les opérateurs ont besoin de signes forts pour se lancer sur le marché ;
  • avec la sophistication des outils technologiques, les problèmes de preuve sont récurrents ;
  • la définition des marchés pertinents qui n’est pas évidente dans le cadre de ces dispositifs.

La solution prônée par la LOM : la régulation ex ante

Le choix qui a été fait par le législateur dans le cadre de la LOM est de recourir à la régulation ex ante, afin de donner des signaux forts aux marchés et aux opérateurs et de mieux garantir une effectivité de la concurrence sur le marché.

Un exemple illustre particulièrement cette volonté : celui des services numériques multimodaux. On les connaît également sous l’acronyme de MAAS (mobility as a service). Il s’agit d‘un service commercial qui est proposé par un opérateur de plateforme et qui permet de distribuer sur une plateforme unique tous les services de mobilités proposés sur une zone géographique donnée à un utilisateur pour effectuer un trajet de A vers B. Ce service « de base » peut le cas échéant être enrichi avec des pilotages en fonction des habitudes de consommation du ou des clients et des fonctionnalités intelligentes.Ces pilotages permettraient par exemple au consommateur d’effectuer des effacements de consommation de certains modes de transport en fonction de préoccupations environnementales.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser intuitivement, ces services ne sont pas portés par les autorités organisatrices de la mobilité. Ils ne sont pas organisés par la puissance publique, mais par des opérateurs publics ou privés, qui sont eux-mêmes opérateurs de transport. Il peut s’agir de Transdev, d’Uber, de la SNCF, de la RATP ou encore de Google.

Dans ce cadre, la LOM essaie de garantir une concurrence effective sur ce marché des services numériques multimodaux. La régulation de l’activité va passer par deux vecteurs principaux :

  • un certain nombre de droits sont conférés aux prestataires de ces services de plateformes multimodales : on leur garantit un droit d’accès aux données de tous les services de mobilité disponibles et un droit de référencement et de distribution de tous ces services, dont certains sont opérés par leurs concurrents. Il existe une obligation corrélative pour ces concurrents : s’interfacer avec le prestataire de services ;
  • en contrepartie, ces prestataires ont des obligations assez fortes vis-à-vis des opérateurs de mobilité : leurs rapports sont encadrés par des obligations de transparence et de non-discrimination. Par ailleurs, ils doivent adopter un plan de gestion des données ; ils ne peuvent utiliser les données de leurs concurrents à des fins de promotion de leurs propres services. Enfin, ils ont une obligation de transparence des algorithmes : ceux-ci ne doivent pas être fondés sur des règles propres à la relation de l’opérateur de plateforme avec l’autorité organisatrice des transports. La nouvelle Autorité de régulation des transports se voit par ailleurs confier un pouvoir de règlement des différends. C’est elle qui arbitrera donc prioritairement les litiges portant sur l’application de ces règles plutôt que l’Autorité de la concurrence qui restera néanmoins compétente pour connaître des pratiques anti-concurrentielles qui pourraient en découler.

La LOM favorise donc une intermodalité plus complète et, à terme , des plateformes de transport véritablement multimodales. Elle devrait même donner la possibilité, à terme, de réserver un billet qui permettra de tout faire. Au-delà d’un changement du modèle de régulation, la loi a donc l’ambition de faire émerger de nouveaux modèles économiques. La réalité sera-t-elle à la hauteur des espérances ? L’avenir le dira.


Dossier : Loi d’orientation des mobilités (LOM)

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Claire Vannini
Associée
Paris