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Ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés

12/05/2017

En application de l'article 117 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (dite loi "Sapin II"), l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 crée un nouveau régime de l'agent des sûretés se substituant à celui prévu par l'article 2328-1 du Code civil, qui se trouve ainsi abrogé.

En réponse aux demandes des praticiens du financement peu enclins à utiliser cet article, et face aux insuffisances des mécanismes classiques de droit commun, le Gouvernement instaure donc de nouvelles dispositions ayant pour objectif de créer un "régime juridique de l'agent des sûretés efficace, permettant de concurrencer les dispositifs existants dans les pays anglo-saxons" notamment dans le cadre de crédits syndiqués (cf. Rapport au président de la République relatif à l'ordonnance).

Le dispositif, prévu par l'article 2328-1 du Code civil très limité, souffrait en effet de nombreuses lacunes et la doctrine comme les praticiens s'accordaient pour en souligner les imperfections : incertitude sur la qualification et le régime applicable à l'agent des sûretés (mandat, fiducie, ou mécanisme sui generis), champ d'application restreint aux seules sûretés réelles, interrogation sur la capacité de l'agent des sûretés à ester en justice, etc.

Désormais, l'agent des sûretés peut prendre, inscrire, gérer et réaliser des sûretés (ou des promesses de sûretés) ou garanties (de droit français ou étranger), dont il est titulaire, au profit des créanciers d'une obligation garantie des sûretés (nouvel article 2488-6 alinéas 1 et 2 du Code civil), dans le cadre d'opérations de financement faisant intervenir plusieurs créanciers.

Titulaire unique, l'agent des sûretés agira ainsi pour le compte des créanciers initiaux mais également de tout cessionnaire ultérieur de l'obligation garantie, dans le cadre, par exemple, de cessions de participation dans un crédit syndiqué. Il convient de saluer l'initiative et la simplification de la documentation qui en résultera, ainsi que l'allègement des formalités auxquelles certaines sûretés réelles sont soumises lors de ces cessions.

Aucune exigence relative à la qualité de l'agent des sûretés n'est en revanche imposée par le nouveau texte (afférente, par exemple, à la qualité d'établissement de crédit ou de personne morale).

L'ordonnance rectifie par ailleurs une lacune fréquemment évoquée à l'encontre du régime actuel de l'agent des sûretés mis en place par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie : les droits et biens acquis par l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission forment un patrimoine affecté à celle-ci, distinct de son patrimoine propre (article 2488-6 alinéa 3 du Code civil).

Corrélativement, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel à l'égard de l'agent des sûretés est sans effet sur ce patrimoine affecté (article 2488-10 alinéa 2 du Code civil). Les sûretés et le produit de leur réalisation sont désormais transférés dans un patrimoine propre, protégé des créanciers personnels de l'agent des sûretés. En outre, le remplacement de l'agent des sûretés par un nouvel agent des sûretés entraîne un transfert automatique des droits et biens du patrimoine d'affectation de l'agent des sûretés remplacé vers celui du nouvel agent des sûretés (article 2488-11 du Code civil).

Notons néanmoins que les droits et biens acquis par l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission pourront être saisis par les titulaires de créances nées de leur conservation ou de leur gestion, à l'instar du fiduciaire (article 2488-10 alinéa 1 du Code civil).

La réforme opérée par l'ordonnance emprunte aux mécanismes de la fiducie (comme cela aurait dû être le cas dans le cadre de la loi du 19 février 2007 sur la fiducie) et évoque la responsabilité de l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission. L'agent des sûretés est ainsi responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission (article 2488-12 du Code civil). Doté des pouvoirs d'un fiduciaire, l'agent des sûretés est corrélativement responsable, selon le Rapport au président de la République sur l'ordonnance, "dans les conditions du droit commun, étant rappelé que les clauses limitatives ou élusives de responsabilité contractuelle sont valables en droit français".

Les praticiens du financement devront organiser et limiter cette responsabilité contractuellement, dans les limites du droit commun de la responsabilité contractuelle (faute lourde ou dolosive, et à condition qu'elles ne privent pas de sa substance l'obligation essentielle du débiteur en application de l'article 1170 du Code civil).

Enfin, l'ordonnance apporte quelques nouveautés bienvenues, destinées à combler les lacunes du régime actuel de l'article 2328-1 du Code civil, au rang desquelles figurent :

  • la capacité de l'agent des sûretés, sans avoir à justifier d'un mandat spécial, à exercer toute action pour défendre les intérêts des créanciers de l'obligation garantie et procéder à toute déclaration de créance (article 2488-9 du Code civil) ; et
  • la possibilité, pour les créanciers de l'obligation garantie, de demander en justice la désignation d'un agent des sûretés provisoire ou le remplacement de l'agent des sûretés, lorsqu’il manque à ses devoirs, met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective (article 2488-11 du Code civil).

Les dispositions de l'ordonnance s'appliqueront aux agents des sûretés désignés postérieurement à son entrée en vigueur, qui interviendra le 1er octobre 2017 (les agents des sûretés désignés avant le 1er octobre 2017 demeureront donc soumis au régime de la loi ancienne).

Auteurs

Benjamin Guilleminot