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Stock options et mobilité internationale: l'empire contre-attaque

13/12/2010


On le croyait enterré, mais le voilà qui réapparaît, légèrement toiletté, à la faveur d'un arrêt du Conseil d'Etat de mars 2010 : un projet remanié d'instruction sur les stock-options des salariés migrants, qui traite de l’épineuse question de l’imposition du gain de levée d’option en cas de changement de résidence du bénéficiaire entre l’attribution des options et la cession des actions sous-jacentes, vient d’être soumis à la consultation par l’administration.


Le projet initial, transmis pour consultation en 2005, n'avait jamais été publié du fait des vives critiques dont il avait fait l'objet. Si l'administration a revu sa copie sur certains points, le principe posé par le projet d'instruction reste discutable: le gain de levée d’option, égal à la différence entre la valeur de marché de l'action issue de la levée de l'option et le prix d'exercice de l'option, est considéré comme un salaire pour l'application des conventions fiscales bilatérales conclues par la France, et non comme une plus-value.

Ces conventions, à l'exception de la convention franco-américaine, ne traitent en effet pas spécifiquement de la répartition du droit d'imposer en matière de rémunérations différées.

Qualifié de salaire, le gain de levée d’option serait imposable dans les Etats d'exercice successif de l'activité, prorata temporis sur la période courant entre l'attribution de l'option et la date à laquelle l'option est devenue exerçable. Au contraire, si ce gain était qualifié de plus-value, il ne serait généralement imposable que dans l'Etat de résidence du cédant.

1. Une approche qui reste critiquable sur le plan des principes

L’administration fiscale entend se prévaloir de l’approche retenue par le comité des affaires fiscales de l’OCDE dans un rapport publié en 2004 et retranscrite dans les commentaires de l’OCDE sur les conventions fiscales bilatérales, préconisant une imposition du gain d’acquisition selon les règles prévues par ces conventions en matière de salaires, ce qui conduit en général à une imposition dans le ou les Etats d’exercice de l’activité.

Cela étant, les commentaires de l’OCDE ne lient pas le juge et ils ne peuvent servir à éclairer les dispositions d’une convention fiscale bilatérale similaire à la convention modèle OCDE que s’ils lui sont postérieurs. La qualification du gain d’acquisition au regard des conventions fiscales internationales ne peut donc être effectuée qu’au regard du droit interne français.

A cet égard, si la plus-value d'acquisition peut sans difficulté être qualifiée de salaire (et non de plus-value) lorsque les actions issues de la levée de l'option sont cédées dans le délai d'indisponibilité de 4 ans, la question est loin d'être tranchée en cas de cession des actions après cette période. En effet, en présence d’un « plan qualifié(1) » , lorsque le délai d'indisponibilité et les obligations déclaratives sont respectés, le gain d'acquisition est soumis à un régime fiscal et social qui s'apparente à celui des plus-values. Ainsi, notamment, (i) l’imposition est reportée au moment de la cession, (ii) ce gain n’est pas soumis aux cotisations sociales et (iii) il se voit appliquer les prélèvements sociaux afférents aux revenus du patrimoine et l’impôt sur le revenu à un taux forfaitaire, sauf option pour l'imposition en tant que traitements et salaires.

Le tribunal administratif de Paris a d’ailleurs récemment jugé que les stipulations de l’article 15 de la convention franco-britannique relatives aux traitements et salaires n’étaient pas applicables au gain de levée d’option réalisé par un contribuable qui s’était vu attribuer des options par une société française alors qu’il était détaché au Royaume Uni et qui avait exercé ses options et cédé ses titres quelques mois après son retour en France, après la période d’indisponibilité. Le tribunal a considéré que ce gain relevait de l’article de la convention relatif aux plus-values (TA Paris 12 juillet 2010 n° 0705389).

En revanche, contrairement à ce que laisse penser la rédaction du projet d’instruction, l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 2010 (n° 15831) ne permet pas de trancher la question dans la mesure où il concernait un contribuable qui avait cédé ses titres dans le délai d’indisponibilité de 4 ans.

L’approche de l’administration est d’autant plus critiquable qu’elle entend étendre les principes dégagés en matière d’options au dispositif d’attributions d’actions gratuites. Or les dispositions du droit interne relatives aux actions gratuites empêchent, encore plus que celles relatives aux options, de qualifier le gain réalisé lors de l’attribution définitive des actions comme un complément de salaire, les textes applicables se référant seulement à l’avantage correspondant à la valeur des actions à leur date d'acquisition.

2. Les précisions apportées par le projet d’instruction 2.1. Répartition du gain de levée d’option entre les Etats

Le projet précise que lorsque le gain de levée d’option est qualifié de salaire, son imposition doit, en application des conventions fiscales internationales, être répartie prorata temporis entre les Etats dans lesquels le bénéficiaire a exercé son activité pendant une période de référence à laquelle il peut être considéré comme rattachable. Selon le projet, ce gain se rapporte en général à la période courant entre l’attribution des options et la date à laquelle le salarié est en mesure d’exercer ses options (« vesting »), même si les circonstances de l’espèce peuvent conduire à une analyse différente. Le choix d’une période de référence pouvant couvrir plusieurs années d’imposition et non la seule année de la cession est conforté par la jurisprudence récente du Conseil d’Etat qui a censuré la jurisprudence antérieure.

Exemple : Le 1er janvier 2006, un salarié résident de France se voit attribuer des options qu’il pourra exercer à l’issue d’une période de 4 ans. Le 1er janvier 2008, il part travailler en Belgique et devient résident de ce pays. Il exerce ses options le 1er janvier 2010 et cède les titres correspondants le jour-même. Dans ce cas, l’administration fiscale française considère que la France peut imposer la moitié du gain de levée des options.

La même règle a vocation à s’appliquer aux dirigeants fiscalement assimilés à des salariés. En revanche, en cas d’attribution d’options à un membre du conseil d’administration ès qualités, il conviendra de se reporter aux règles conventionnelles prévues pour les jetons de présence.

2.2. Elimination des doubles impositions

Après avoir rappelé les différents modes d’élimination des doubles impositions prévus dans les conventions fiscales conclues par la France en matière de traitements et salaires (exonération en France sous réserve du maintien de la progressivité de l’impôt, imposition en France avec octroi d’un crédit d’impôt égal soit à l’impôt français correspondant soit à l’impôt payé à l’étranger), le projet aborde les modalités pratiques d’élimination des doubles impositions afin de prendre en compte l’incidence des décalages d’imposition dans le temps.

Un problème de double imposition peut se poser. Si la convention applicable est rédigée de telle sorte que la double imposition est éliminée par la France soit (i) par l’imputation d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français correspondant mais sous réserve d’une imposition effective dans l’Etat de la source soit (ii) par l’octroi d’un crédit d’impôt égal à l’impôt payé dans l’Etat de la source(2), alors que l’imposition à l’étranger n’intervient que plus tard, le contribuable devra formuler une réclamation contentieuse accompagnée d’un document attestant d’une imposition effective dans l’autre Etat.

L’administration envisage ensuite les risques de doubles impositions résultant de l’imposition du gain de levée d’option par les pays de résidence successifs d’un contribuable et précise que celui-ci pourra solliciter l’ouverture d’une procédure amiable en vue d’éliminer la double imposition. Cependant, cette procédure qui permet aux autorités fiscales de deux Etats de se mettre d’accord sur les modalités d’imposition d’un contribuable n’est assortie d’aucune obligation de résultat ni enfermée dans aucun délai. On voit là les limites de l’approche « salaires » retenue par l’administration fiscale pour assurer une plus grande sécurité juridique aux salariés migrants et éviter les situations de double imposition…

L’avenir dira si cette deuxième mouture sera finalement publiée. En tous cas, elle n’a pas été mise en ligne sur www.impots.gouv.fr; elle n’est d’ailleurs à ce titre pas encore opposable à l’administration, notamment par les contribuables résidents de France qui cèdent des actions issues de la levée d’options rattachables totalement ou partiellement à l’exercice d’une activité hors de France.


1. Respectant les conditions posées par les articles L 225-177 à L 225-186-1 du code de commerce
2. Cas de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée


Par Annabelle Bailleul-Mirabaud, Avocat,

Article paru dans la revue Option Finance le 13 décembre 2010

Auteurs

Portrait deAnnabelle Bailleul-Mirabeau
Annabelle Bailleul-Mirabaud
Associée
Paris