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Marketing d’influence : les enjeux liés à la qualification des relations contractuelles avec les influenceurs

La rédaction du contrat qui lie l’enseigne à l’influenceur a de nombreuses implications tant au plan social qu’au plan fiscal

07/08/2020

Les stratégies de communication des marques sont bouleversées par l’essor des réseaux sociaux qui a entrainé le développement du marketing d’influence. Recourir à des « influenceurs » qui jouent de leur notoriété permet de délivrer des messages publicitaires autrement. Aucun cadre législatif clair n’ayant encore été fixé, la rédaction du contrat qui lie l’enseigne à l’influenceur a de nombreuses implications tant au plan social qu’au plan fiscal.

La délicate qualification juridique du contrat formalisé entre la marque et l’influenceur

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) définit l’influenceur comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, par écrit, audio et/ou visuel, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie ».

Auprès d’une communauté parfois très engagée, ces nouveaux leaders d’opinion ont saisi leur pouvoir d’impacter les actes d’achat des consommateurs et ils commencent à se professionnaliser.

En dépit de la multiplication du nombre de « partenariats » entre marques et influenceurs, ces derniers ne disposent toujours d’aucun statut juridique propre.

Pour l’heure, il convient donc de rattacher ces contrats aux conventions déjà appréhendées par la loi, ce qui nécessite un examen au cas par cas afin d’anticiper le traitement social et fiscal qui s’applique à la relation.

Le contrat peut tout d’abord être qualifié de contrat de travail lorsqu’un lien de subordination juridique est caractérisé au regard des conditions de réalisation de la prestation.

Lorsque la collaboration conduit à la publication d’une photo ou d’une vidéo dans laquelle l’influenceur promeut un produit, la prestation peut être qualifiée de prestation de mannequinat en vertu du Code du travail qui prévoit « qu’est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n'est exercée qu'à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; 2° soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image ».

Dans ces circonstances, l’influenceur peut alors se voir appliquer la présomption de salariat des mannequins1, voire des artistes du spectacle2 si la prestation nécessite une interprétation personnelle.

Ces présomptions s’appliquent quel que soit le nom donné au contrat par les parties, le mode et le montant de la rémunération prévue.

Par ailleurs, le contrat peut également s’analyser en un contrat de prestation de service à l’image d’un contrat de direction artistique, par exemple.

La qualification de la relation contractuelle est déterminante puisqu’elle permet d’appliquer le juste régime juridique, notamment au plan social.

Les incidences de l’application du droit du travail à la relation contractuelle

Lorsque la relation contractuelle s’analyse en une prestation de service, l’influenceur relève du régime des travailleurs indépendants. Dès lors, il est un partenaire commercial responsable de ses déclarations sociales.

Dans l’hypothèse où la relation contractuelle doit être qualifiée de contrat de travail, les enjeux sont différents puisque l’enseigne est contrainte de respecter les obligations du droit du travail : respect de la réglementation des contrats à durée déterminée, respect des règles applicables en matière de durée du travail, respect des règles d’hygiène et de sécurité, etc.

De la même manière, sur le plan des coûts financiers, la marque a la responsabilité de soumettre à cotisations et contributions sociales la rémunération de l’influenceur.

Dans la pratique, tenter de passer outre l’application de ces règles n’est pas sans risque. L’enseigne s’expose à une action en requalification de la relation contractuelle, voire à la réintégration des sommes versées à l’influenceur dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.

L’anticipation des enjeux fiscaux liés à la formalisation du contrat

Le traitement fiscal de cette opération de communication doit impérativement entrer en ligne de compte dès la phase de contractualisation.

Cette étude préalable permet non seulement de calculer le coût global inhérent au partenariat, mais également d’anticiper le traitement administratif des versements sous peine de sanctions pour l’entreprise.

Pour chaque sollicitation, plusieurs questions clés permettent d’établir une grille d’analyse sur le plan fiscal.

Elles concernent tout d’abord les parties au contrat. A-t-on recours à un intermédiaire, tel un agent ? Dans l’affirmative, comment s’établit cette relation tripartite ? Par qui et selon quelles modalités le service de mise en relation est-il rétribué ?

Puis, il convient d’identifier le statut juridique et fiscal de l’influenceur. A-t-il constitué une entité juridique pour développer cette activité ou agit-il en son nom propre ? Est-il résident fiscal en France ou à l’étranger ?

Quant aux modalités de production et de diffusion des contenus éditoriaux, elles font souvent l’objet de négociations, en particulier s’agissant de leur contrepartie financière.

En plus de services ou produits de la marque attribués gratuitement à l’influenceur, le contrat peut prévoir une rémunération fixe (fonction le plus souvent de son audience, c’est-à-dire son nombre de followers sur Instagram, son nombre d’abonnés sur Youtube, Twitter ou un blog), une rémunération variable calculée en fonction du pourcentage du chiffre d’affaires généré ou bien par paliers atteints, une rémunération récurrente pour une égérie, etc.

Enfin, la temporalité de cet accord est importante. Les prestations ont-elles vocation à se répéter ? Le partenariat est-il limité dans le temps ? La marque est-elle susceptible d’exploiter ultérieurement la prestation initiale de l’influenceur (image, vidéo, prise de parole, texte) ?

A l’issue de cette analyse, dans l’hypothèse où l’accord s’apparente à un contrat de mannequinat, les rémunérations reçues par les influenceurs sont en principe imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.

En revanche, il résulte des dispositions du Code du travail que la rémunération due au mannequin à l'occasion de l'exploitation de l'enregistrement par l'employeur n'est pas considérée comme du salaire dès que la présence physique du mannequin n'est plus requise et que sa rémunération est fonction du produit de cette exploitation[3]. Les rémunérations de cette nature relèvent des bénéfices non commerciaux (BNC), tandis que la somme servie en contrepartie de la réalisation de l'enregistrement conserve son caractère de salaire[4].

Sur la partie de la rémunération qualifiée de salaire, outre le paiement des cotisations sociales, l’entreprise joue le rôle de collecteur de l’impôt dû par son employé au titre des revenus qu'il lui verse.

Elle est tenue d’appliquer le prélèvement à la source, soit au taux communiqué par l’administration fiscale, soit sur la base du taux neutre. En cas de manquement, elle s’expose à des sanctions qui vont de 5% à 80% du montant du prélèvement à la source qui aurait dû être versé, en fonction de la gravité de l’erreur.

Si l’influenceur est résident fiscal hors de France, l’entreprise applique la retenue à la source sur les salaires en vertu de l’article 182 A du Code général des impôts (CGI), et éventuellement la retenue à la source sur les redevances perçues lors de la vente ou l’exploitation des enregistrements réalisés, en vertu de l’article 182 B du CGI, sous réserve des conventions fiscales applicables.

La contribution unique à la formation professionnelle doit également être anticipée. Calculée sur les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019, cette contribution réunit désormais la contribution à la formation professionnelle et la taxe d'apprentissage.

Compte tenu de la multiplication de ces collaborations lucratives, on peut s’attendre à une intensification des contrôles ciblés depuis que la loi de finances pour 2020 autorise l’administration fiscale à exploiter de manière automatisée les données personnelles librement accessibles sur certaines plateformes. 

Article paru dans Option Finance le 15 juin 2020


1 Article L.7123-3 du Code du travail.

2 Article L.7121-3 du Code du travail.

3 Article L 7123-6 du Code du travail.

4 BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 n° 460 et 470.


Statut juridique et fiscal de l'influenceur

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