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Projet de loi de régulation bancaire et financière : l'Assemblée nationale soutient les régulateurs

09/08/2010


A l'issue des travaux de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, le projet de loi de régulation bancaire et financière a été adopté en première lecture par cette même chambre le l0 juin 2010. Que retenir à ce stade des principaux amendements adoptés ?

Incontestablement, les deux autorités nationales l'ACP et AMF sortent vainqueurs de ces discussions, et tout particulièrement l'AME. Le renforcement du pouvoir de sanction de celle-ci qui est de longue date souhaité par les présidents successifs en sort garanti et il faut s'en féliciter (voir notre analyse Option Finance du 21 janvier 2008).

La répression des abus de marché est étendue aux instruments financiers liés à un ou plusieurs instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou sur Alternext afin de prendre en compte instruments OTC négociés de gré à gré tels les contrats d'option ou à terme négociés de gré à gré ou des CDS dont le sous-jacent est constitué d'instruments cotés.

Deuxième axe de renforcement, la sécurisation de la procédure de sanction lors de ces différentes phases. L'ouverture des enquêtes par l'AMF est facilitée en permettant à l'un des secrétaires généraux adjoints spécialement délégué à cet effet d'ouvrir la procédure d'enquête en cas d'urgence ou d'indisponibilité du Secrétaire général.

La représentation du Collège dans la procédure de sanction est mieux assurée en donnant au Collège la possibilité de désigner l'un de ses membres qui aura pris part à la décision d'ouverture de la procédure de sanction afin d'assister à l'audience sans voix délibérative et, le cas échéant, de présenter ses observations au soutien des griefs notifiés et de proposer une sanction. La volonté d'un rééquilibrage des rapports de force est ici bienvenue à la lumière des expériences passées, pas uniquement les plus récentes d'ailleurs.

Au stade du jugement, le relèvement des plafonds de sanctions fait l'objet d'un consensus après avoir constaté que les décisions sont fréquemment réformées à la baisse par les juridictions de recours : de 10 à 100 millions d'euros pour l'un des abus de marché et 1,5 à 15 millions d'euros pour les sanctions frappant les professionnels (personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte des professionnels). Le plafond des sanctions de l'ACP serait également aligné à 100 millions d'euros.

La fonction pédagogique et prophylactique des sanctions prononcées n'a pas été oubliée par les parlementaires. La publication des décisions interviendra de plein droit, là où actuellement, il s'agit d'une décision expresse à motiver et qui est analysée comme une sanction complémentaire susceptible d'être contestée en tant que telle.

Par conformité avec la directive Abus de marché {2003/6/CE) il pourra y être dérogé par une mention expresse « lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ». Sur ce dernier cas, la commission des Finances s'est montrée attentive à la nécessité d'une proportionnalité du format de publication à la faute commise et à la sanction prononcée. Le texte le précise désormais.

Enfin à l'instar du Parquet dans les procédures pénales, la possibilité pour le président de l'AMF de former recours contre une décision prononcée par la Commission des sanctions est introduite. Rappelons qu'aujourd'hui le déséquilibre est prégnant avec pour les personnes sanctionnées le bénéfice d'une prime au recours, l'appel aboutissant au pire à la confirmation de la sanction et souvent à une diminution du montant de l'amende.

La coopération entre différents acteurs de la surveillance et du contrôle des marchés financiers se trouve libérée de blocages inutiles : l'échange direct d'informations relatives aux transactions sur instruments financiers entre les infrastructures de marché (entreprises de marché et chambres de compensation) sera possible, la dérogation à la loi de blocage de 1968 ayant été réécrite. Bien entendu, ces échanges resteront soumis à une triple exigence de nécessité, de secret professionnel et de réciprocité. En outre, réparant un oubli lors de la création de l' ACP, il est prévu que le président de l'AMF devienne membre du Collège de l'ACP assurant la pleine réciprocité de représentation aux seins des collèges ACP et AMF.

La transparence des marchés financiers est l'autre grand bénéficiaire de cette adoption.

Dans te cadre de la lutte contre l'empty voting, est introduite l'obligation d'information à la charge de tout actionnaire détenant par une opération de cession temporaire, au plus tard à J— 3 d'une assemblée générale, plus de 1% des droits de vote de la société, et ce sous peine privation des droits de vote jusqu'à revente ou restitution des actions. On mentionnera également la réduction de trois à un jour de négociation du délai de règlement/livraison des titres pour le vendeur en cas de vente à découvert.

Pour mémoire, un régime de responsabilité sans faute pour les agences de notation en cas d'erreur de notation a été introduit, nous y reviendrons prochainement.

Enfin, le Parlement a souhaité voir ses pouvoirs de contrôle renforcés, notamment par la remise par le Gouvernement de différents rapports : sur l'nterdiction de ventes nues de CDS souverains dans la zone euro (avant fin 2010), sur la possibilité de généraliser dans le Code de commerce et le Code monétaire et financier le critère du droit de vote jugé plus représentatif que la quote-part de capital et sur la possibilité de répercuter sur les banques européennes le coût de la crise financière. Il obtient également, contre l'avis du Gouvernement et du Rapporteur, que deux membres qualifiés supplémentaires désignés respectivement par les présidents de deux Assemblées puissent siéger au sein du collège de l'ACP, au motif d'un renforcement du contrôle sur les autorités administratives indépendantes.


Bruno Zabala, avocat

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance le 5 juillet 2010

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