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Subjectivité de l’art et objectivité de la TVA

L’Administration perd son rôle de critique

15/10/2019

Le critère d’application du taux réduit de TVA lié au caractère « créatif » des photographies d’art n’est pas conforme au droit de l’Union européenne. Ainsi a jugé la Cour de justice de l’Union européenne. 

A l’origine, une possible distorsion entre le droit français et le droit européen en matière d’application du taux réduit de TVA aux photographies d’art

En matière de TVA, les photographies sont considérées comme des « photographies d’art » bénéficiant du taux réduit de la taxe lorsqu’elles sont « prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et tous supports confondus » (article 98 A, II, 7° de l’annexe III au Code général des impôts).

A ces conditions prévues par la directive TVA (directive 2006/112 du 28 novembre 2006, article 103, 2, b et annexe IX, partie A, 7), l’administration fiscale française a ajouté que « ne peuvent être considérées comme des œuvres d'art que les photographies qui portent témoignage d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur » (BOFIP - BOI-TVA-SECT-90-10 §280).

Ainsi, sur le fondement de cette doctrine, l’administration fiscale devait apprécier le caractère artistique de la photographie permettant à son auteur d’être qualifié d’artiste et de bénéficier du taux réduit de la TVA.

C’est dans ce contexte qu’elle a remis en cause le taux réduit de TVA appliqué par la société Regards Photographiques au titre de la vente de portraits et de photographies de mariage, au motif que celles-ci ne révéleraient pas d’intention créatrice ni ne présenteraient d’intérêt pour tout public.

Saisi du litige par la société, le Conseil d’Etat a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation à donner aux dispositions en cause.

La France doit revoir sa doctrine administrative en matière de taux réduit de TVA aux photographies d’art

La Cour a d’abord précisé que la notion d’« artiste », visée à l’annexe IX à la directive TVA ne pouvait s’entendre d’une personne distincte de l’auteur de l’œuvre, telle que visée par la directive elle-même (CJUE, 5 septembre 2019, C-145/18). Elle a également rappelé que si les dispositions relatives au taux réduit font l’objet d’une interprétation stricte, l’interprétation retenue ne doit pas priver la disposition de ses effets.

Plus intéressant encore, la Cour a censuré la doctrine. Elle considère que la détermination du caractère artistique d’une œuvre était subordonnée à une appréciation de l’administration fiscale sur le fondement de critères « vagues et subjectifs ». L’application de ce critère ne permettait de garantir ni le respect de la sécurité juridique, compte tenu de la marge d’appréciation laissée l’administration fiscale, ni la neutralité fiscale. En effet, deux photographies objectivement identiques pouvaient être imposées de manière différente comme le relevait par ailleurs l’avocat général.

L’administration fiscale perd ainsi son rôle de critique d’art et se voit contrainte de modifier les critères fixés par sa doctrine.


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Cet article a été publié dans notre Lettre Propriétés Intellectuelles d'octobre 2019. Découvrez les autres articles de cette lettre.

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