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Contrats d'assurance-vie en unités de compte : les obligations structurées y sont éligibles

29/11/2017

La Cour de cassation a rendu le 23 novembre 2017 un arrêt qui devrait soulager les assureurs français, en ce qu'il casse l'arrêt "Generali" rendu par la Cour d'appel de Paris le 21 juin 2016 (deuxième Chambre civile, n°16-22.620).

Au visa des articles L.213-5 du Code monétaire et financier, L.228-38 du Code de commerce, R.131-1 et R.332-2 du Code des assurances, la Cour de cassation confirme que "la qualification d'obligation n'est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre" et reconnaît ainsi qu'une obligation, bien que structurée, peut constituer une unité de compte éligible aux contrats d'assurance-vie.

La justice avait été saisie par un épargnant qui soutenait que le produit obligataire indexé sur un panier d'actions dans lequel son contrat d'assurance-vie en unités de compte avait été investi par son assureur n'était pas une obligation et, à ce titre, ne constituait pas une unité de compte éligible aux contrats d'assurance-vie. Dans un arrêt du 21 juin 2016 qui avait suscité la polémique, la Cour d'appel avait considéré que le produit litigieux ne pouvait être qualifié d'obligation car le détenteur n'avait pas droit au remboursement du nominal.

La Cour de cassation vient de casser cette décision sans détour.

1. Les caractéristiques d'une obligation

La Cour de cassation fonde sa décision sur les articles précités du Code monétaire et financier et du Code de commerce qui définissent les obligations comme "des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale".

En effet, aucun de ces textes ne fait référence à un quelconque critère de remboursement du principal à l'échéance. C’est donc à tort que celui-ci avait été retenu par la Cour d'appel de Paris comme une "caractéristique essentielle" d'une obligation.

La Cour de cassation, par cette décision bienvenue, vient rappeler que la Cour d'appel ne pouvait ajouter à la qualification d'obligation une condition que la loi ne comporte pas.

Ainsi, le produit en question, bien qu'indexé sur un panier d'actions et ne bénéficiant pas de ce fait d'une garantie de remboursement du nominal à l'échéance, est bien une obligation. La Cour de cassation fait donc prévaloir le caractère obligataire du produit sur l'aspect structuré.

2. Vers une éligibilité des produits structurés aux contrats d'assurance-vie en unités de compte ?

A travers le visa des articles du Code des assurances relatifs aux actifs éligibles à ces contrats, il semblerait que la Cour de cassation consacre indirectement l'éligibilité des obligations structurées aux contrats d'assurance-vie en unités de compte.

La prudence reste toutefois de mise, notamment quant au respect des autres critères d'éligibilité. La question de l'éligibilité de supports en unités de compte nécessite en effet une appréciation des faits et des caractéristiques propres des produits concernés, appréciation qui ne relève pas de la compétence des juges de cassation. Il incombera donc à la Cour d'appel de Paris de se prononcer au regard des autres critères d'éligibilité édictés par le Code des assurances, à savoir la négociabilité des titres sur un marché reconnu et une protection suffisante de l'épargne investie.

Par ailleurs, l'arrêt ne porte que sur les obligations structurées. La Cour de cassation ne se prononce pas sur l'éligibilité d'autres produits structurés qui ne prendraient pas la forme d'une obligation, tels que les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) "à formule". L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a considéré à ce sujet dans sa recommandation du 15 octobre 2010 que la qualification de titres de créance complexes et d'OPCVM "à formule" ou structurés n'était pas incompatible avec le respect des critères d'éligibilité aux contrats d'assurance-vie.

Ainsi, comme pour les obligations, la complexité de l'OPCVM ne devrait pas être prise en considération dans l'appréciation de l'éligibilité de ce produit aux contrats d'assurance-vie en unités de compte, l'élément de non-complexité n'étant pas un critère d'éligibilité au sens du Code des assurances.

S’agissant de la complexité du produit, l'article 25 paragraphe 4 a) de la Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil (dite MIF2) répute non complexes les actions admises à la négociation sur un marché réglementé (à l'exception des fonds d'investissements alternatifs), les obligations admises à la négociation sur un marché réglementé qui n’incorporent pas un instrument dérivé ou présentant une structure qui rend la compréhension du risque encouru difficile pour le client, la plupart des instruments du marché monétaire, les OPCVM (à l'exception des OPCVM structurés) et l’essentiel des dépôts structurés. Ainsi, les obligations structurées sur lesquelles la Cour de cassation s’est prononcée relèvent bien de cette catégorie de produits complexes caractérisée par la difficile appréciation du risque encouru par les investisseurs de détail. Dès lors, leur commercialisation directe ou au travers d’unités de compte implique des obligations d’information renforcées.

Il faut espérer que les juridictions qui pourraient être saisies à l'avenir sur l'éligibilité de produits complexes aux contrats d'assurance-vie en unités de compte ne se laisseront pas influencer par cette catégorisation mais fonderont leur décision sur les seules conditions formulées par le Code des assurances, comme le font la Cour de cassation et l'ACPR1.


Voir sur le risque de confusion entre unités de compte et instruments financiers

Auteurs

Portrait deMarc-Etienne-Sébire VDEF
Marc-Etienne Sébire
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Paris
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Jérôme Sutour
Associé
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Yael Fitoussi
Avocate
Paris