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Accords horizontaux

quelles nouvelles orientations pour les échanges d’informations ?

15/09/2022

Le 19 avril 2022, la Commission a publié son projet de lignes directrices révisées sur les accords de coopération horizontale (ci-après PLD), qui comportent entre autres de nouvelles orientations sur les échanges d’informations.

La relation entre le droit de la concurrence et les échanges d’informations demeure un sujet récurrent et particulièrement délicat parce que protéiforme et susceptible de concerner de nombreuses situations touchant les entreprises. Parfois même, l’échange d’informations pourrait résulter d’une obligation issue d’un règlement européen. A cet égard, le PLD rappelle que de tels échanges restent soumis à la prohibition du droit des ententes, impliquant pour les entreprises l’interdiction de transmettre des informations commercialement sensibles ou des informations techniques allant au-delà des exigences dudit règlement.

Une présentation un peu moins théorique  

Le chapitre du PLD relatif aux échanges d’informations opte pour une présentation plus opérationnelle et complète que celle des lignes directrices existantes. Il identifie plus clairement les principaux problèmes liés aux échanges d’informations, que sont la collusion et l’éviction anticoncurrentielle.

Le PLD cite de façon nouvelle des exemples d’échanges d’informations illicites comme les échanges particulièrement sensibles (pratique qualifiable de restriction par objet, en raison de son contenu et de ses objectifs) au sein d’une partie consacrée aux informations commercialement sensibles, autrefois appelés « stratégiques ».

S’agissant des données publiques, celles-ci échappent toujours à la critique, si elles sont « réellement » publiques, c’est-à-dire si leur obtention n’est pas plus coûteuse pour les entreprises et les clients qui ne prennent pas part à l’échange que pour ceux qui y participent. En cette forte période d’inflation, les commentaires de la Commission relatifs à la notoriété publique de la hausse des coûts de fourniture appellent l’attention. Si les entreprises peuvent évoquer de façon générale cette hausse au cours de réunions bilatérales ou syndicales cette information étant notoire, en revanche, elles ne peuvent évaluer conjointement la hausse des coûts si cette évaluation dissipe l’incertitude à l’égard des actions futures ou récentes d’un concurrent sur le marché. Chaque entreprise concurrente doit définir en toute indépendance sa réaction face à la montée des coûts des fournitures. 

Pour ce qui a trait aux caractéristiques des échanges, le PLD dissocie plus nettement les divulgations unilatérales des échanges indirects et les échanges au sein de relations verticales/horizontales mixtes. 

L’actualisation des caractéristiques possibles des échanges d’informations

S’agissant de la collusion, le PLD précise que le recours aux algorithmes par les concurrents peut, par exemple, aggraver le risque de collusion sur le marché, car les algorithmes peuvent permettre aux concurrents de repérer les écarts de prix en temps réel et rendre les mécanismes de représailles plus efficaces. 

Dans le cadre des échanges unilatéraux, qui visent l’hypothèse dans laquelle une seule entreprise communique des informations commercialement sensibles à un ou des concurrents qui les acceptent sans que cette communication soit mutuelle, le PLD actualise la liste d’exemples de supports possibles : aux traditionnels réunions, courriels et entretiens téléphoniques, sont ajoutés les sites web, les chats ou encore la participation à un outil algorithmique partagé

Les échanges indirects, c’est-à-dire ceux réalisés par l’intermédiaire d’un tiers (tel un prestataire de service, une plateforme, un fournisseur d’outil d’optimisation, une association professionnelle, un fournisseur, un client ou encore un algorithme partagé – couramment dénommés « Hub and Spoke »), font l’objet de développements renforcés. Le PLD souligne que selon les circonstances, les concurrents ou le tiers peuvent être tous deux sanctionnés, la prohibition des ententes prévue à l’article 101 du TFUE ne visant pas uniquement les entreprises actives sur le marché affecté par l’échange. 

De manière résumée, il en résulte que l’entreprise sera critiquable si elle a reçu ou transmis des informations en ayant connaissance des buts anticoncurrentiels recherchés par les concurrents et le tiers et si elle avait l’intention d’y contribuer, intention pouvant ressortir d’une simple acceptation tacite ou de la possibilité de prévoir raisonnablement que le tiers partage ses informations avec des concurrents. De même, le tiers qui transmet des informations commercialement sensibles sera responsable de l’infraction s’il a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’accord et s’il avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou s’il pouvait raisonnablement les prévoir et s’il était prêt à en accepter le risque.

Des développements sur les moyens de limiter les échanges

Le PLD contient de façon novatrice quelques indications consacrées aux mesures pouvant être mises en place pour limiter et/ou contrôler les échanges ainsi qu’à l’accès aux informations collectées. Ainsi, le PLD donne les conditions d’intervention des « clean teams » afin qu’elles puissent recevoir et de traiter des données tout en contrôlant la manière dont elles peuvent être utilisées. Pour les participants à une interconnexion de données, il est recommandé qu’ils n’aient pleinement accès qu’à leurs propres informations et à celles des autres seulement sous une forme agrégée, la mise en place de mesures d’ordre technique et/ou le recours à un tiers indépendant pour la gestion de cette interconnexion étant aussi les bienvenus. 

A contrario, dans les cas où les informations échangées sont stratégiques et portent sur une part importante du marché considéré sans toutefois créer de risque de collusion, le PLD souligne qu’un tel échange n’est autorisé que si l’accès aux informations est réalisé sans discrimination entre les entreprises actives sur le marché en cause.

Les échanges d’information et les accords verticaux entre concurrents : quelle articulation ?

L’articulation du PLD avec les échanges d’informations intervenant dans le cadre des accords verticaux, en particulier dans le cas d’une distribution duale, c’est-à-dire lorsque le fournisseur distribue ses produits ou services au travers de distributeurs et aussi en direct auprès de clients finaux, n’est pas aisée. 

Le PLD précise qu’il couvre les accords verticaux entre concurrents, sauf le cas d’un accord vertical non réciproque lorsque le fournisseur est un producteur et un distributeur de biens tandis que l’acheteur est un distributeur et non une entreprise concurrente au niveau de la production, ou que le fournisseur est un prestataire de service à plusieurs niveaux d’activité commerciale tandis que l’acheteur fournit ses biens ou services au stade de la vente au détail et n’est pas une entreprise concurrente de l’activité commerciale où il achète les services contractuels (article 2.4 a) et b) du règlement 2022/720 du 10 mai 2022). Or, dans le cas d’un accord vertical non réciproque entre concurrents avec échange d’informations, le règlement 2022/720 précité ne fait bénéficier cet accord de l’exemption que si l’échange d’information est à la fois directement lié à la mise en œuvre de l’accord vertical et nécessaire pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services contractuels (article 2.5 du règlement). 

Notons également qu’au titre des échanges d’informations indirects dont ceux verticaux avec un client, une note de bas de page du PLD renvoie aux orientations issues des textes sur les accords verticaux, tout en ajoutant que les accords de distribution verticaux peuvent dans certains cas servir à la collusion horizontale

Pour leur part, commentant beaucoup plus abondamment les échanges d’informations dans le cadre de la distribution duale, les lignes directrices sur les accords verticaux (JOUE C248 du 30 juin 2022) indiquent que les accords verticaux entre concurrents qui ne satisfont pas les critères de l’article 2.4 du règlement 2002/720 doivent être appréciés de façon individuelle au regard de l’article 101 du TFUE. Elles ajoutent qu’elles sont pertinentes pour l’appréciation de toute restriction verticale contenue dans de tels accords et renvoient aux lignes directrices horizontales pour les effets de collusion. Bref, une répartition des rôles peu évidente qui relève en tout état de cause de l’appréciation des critères de l’article 2.5 du règlement 2022/720. 


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