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Pratiques anticoncurrentielles : attention aux échanges d’informations sur les prix

Décision ADLC n° 21-D-09 du 24 mars 2021

15/07/2021

Le droit de la concurrence interdit rigoureusement tout échange sur les prix entre concurrents. Les entreprises doivent en effet déterminer leur politique commerciale en toute autonomie pour ne pas porter atteinte au libre jeu de la concurrence. A défaut, elles encourent de lourdes sanctions pécuniaires.

L’autorité de la concurrence (ADLC) a ainsi condamné les trois principaux fabricants de sandwichs industriels vendus sous marque de distributeur aux enseignes de la grande distribution alimentaire et aux stations-service à une amende de 24 millions d’euros pour avoir mis en place un système d’échange d’informations sur les prix et sur les clients en vue d’une répartition des marchés dans le cadre d’appels d’offres (Décision ADLC n° 21-D-09 du 24 mars 2021).

Destiné à figer les positions et les marges de chacun sur le marché concerné, ce système reposait essentiellement sur des échanges intervenant lors de rencontres « secrètes et informelles », d’appels téléphoniques ou de l’envoi de SMS ou de courriers électroniques.

Concrètement, avant de répondre aux appels d’offres, chaque entreprise envoyait ses projets de prix à ses concurrents, puis après discussion ajustait, le cas échéant, ses réponses. Afin de ne pas éveiller les soupçons des enseignes, les entreprises déposaient des offres de couverture (prix 10 à 15 % supérieurs aux prix habituels) sur les références pour lesquelles il était convenu qu’elles ne devaient pas remporter l’appel d’offres.

Ces pratiques ont été considérées comme très graves par l’ADLC, compte tenu de leur nature et de leur finalité (accords ayant un objet anticoncurrentiel) : elles ont fait obstacle pendant six ans au libre jeu de la concurrence en permettant aux participants d’élever leurs prix sans craindre une riposte de leurs concurrents.

L’entente n’a pas été découverte par l’ADLC à la suite d’une enquête, mais révélée par ses membres dans le cadre de la procédure de clémence. Compte tenu de cette même démarche, qui a permis la dispense d’établissement d’un rapport (art. L. 464-2 IV C. com.) et donc un gain procédural pour l’ADLC, les sanctions infligées ont été réduites :

  • la première entreprise à avoir porté à la connaissance de l’Autorité l’existence de l’entente et avoir coopéré tout au long de la procédure a obtenu le bénéfice d’une clémence de premier rang, ce qui lui a permis de bénéficier d’une exonération totale d’amende ;
  • les deux autres entreprises qui, après avoir fait l’objet d’opérations de visite et saisie dans leurs locaux, avaient décidé de solliciter elles aussi le bénéfice de la clémence (demandeur de deuxième et troisième rang) se sont vu accorder respectivement des réductions de sanction de 35 % et 30 % compte tenu de la valeur ajoutée des éléments qu’elles avaient apportés et qui avaient permis d’établir l’existence de certains échanges.

La troisième entreprise a, en outre, bénéficié du dispositif de « clémence plus » (exonération supplémentaire accordée à un demandeur de second rang, lorsque celui-ci fournit des preuves incontestables permettant d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires encourues par les participants à l’entente). En l’espèce, elle avait notamment permis à l’Autorité d’établir l’existence des échanges interdits portant sur les ventes aux stations-service. Elle a également bénéficié d’une réduction supplémentaire de sanction d’environ 5 millions d’euros, liée à la prise en compte de ses difficultés financières.

A noter que cette entreprise s’était plainte de ce que ses locaux avaient été visités après ceux de la deuxième entreprise, ce qui l’avait empêchée de prétendre à une clémence de second rang. L’ADLC lui a répondu qu’il appartenait aux entreprises de se lancer de leur propre initiative dans la procédure de clémence. Elles ne sauraient attendre de l’Autorité qu’elle suscite, encourage ou favorise une telle démarche dans le cadre d’une affaire dont elle est saisie. Par conséquent, l’intéressée ne pouvait pas utilement soutenir que les conditions dans lesquelles s’étaient déroulées les opérations de visite et saisie l’auraient privée de la possibilité de solliciter le bénéfice de la procédure de clémence en tant que deuxième demandeur.

Si cette décision illustre une nouvelle fois les risques de sanction encourus par les entreprises qui procèdent à des échanges d’informations sur les prix avec leurs concurrents, elle met surtout en avant celui de voir l’entente révélée de manière inopinée par l’un d’entre eux. Celui-ci sera alors le seul à pouvoir prétendre au bénéfice d’une exonération totale d’amende pour être arrivé le premier dans la course à la clémence.

Article paru dans Option Finance le 5 juillet 2021


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