La Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui ne manquera pas d’attirer l’attention de tous ceux qui réalisent des opérations de « fusions-acquisitions » (Arrêt du 11 avril 2019, n° 18-16121, à paraître au Bull. et publié sur le site de la Cour de cassation).
Dans plusieurs décisions antérieures, la Haute juridiction avait clairement affirmé qu’une transmission par voie de dévolution universelle de patrimoine (par exemple, par l’effet d’une fusion, d’une scission ou d’un apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions) ne pouvait, juridiquement, être assimilée à une cession.
Ainsi, lorsque, dans les statuts d’une société anonyme, une clause exige un agrément pour toute cession « à quelque titre et sous quelque forme que ce soit », cette clause ne jouera vraisemblablement pas en cas de fusion ou de scission. Il en va de même d’une clause définissant un droit de préférence en cas de vente, d’échange ou d’apport en société d’un immeuble appartenant à une société : si la société propriétaire vient à être absorbée, la clause ne doit en principe pas trouver application.
La lecture de l’arrêt du 11 avril dernier invite à s’interroger sur une possible remise en cause de cette analyse. Au cas particulier, une société était locataire de différents sites industriels. Une clause du contrat de bail prévoyait qu’en cas de cession du bail, le preneur serait garant solidairement avec le cessionnaire du paiement des loyers et des charges jusqu’à l’expiration de la durée restant à courir du bail. Soulignons que, depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, la portée de ce type de garantie est limitée à trois ans à partir de la cession du bail (c’est l’autre question tranchée par l’arrêt, que de savoir si la règle nouvelle était immédiatement applicable aux contrats antérieurs à la loi – la réponse est non). Cette clause pouvait-elle produire ses effets, alors que l’activité exploitée dans les sites industriels avait fait l’objet d’un apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions au bénéfice de trois sociétés constituées à cet effet ?
On pouvait soutenir que non, en appliquant la position traditionnelle rappelée plus haut. Prévue pour jouer en cas de cession, il était concevable de plaider que la clause devait être écartée en présence d’un apport partiel d’actifs. Telle n’est pourtant pas la solution retenue par les juges du fond, non démentis par la Cour de cassation. Selon cette dernière, la Cour d’appel « a pu en déduire que la clause s’appliquait dans le cas de cessions du droit au bail par voie d’apport partiel d’actifs ».
Voir dans cette décision un revirement serait, selon toute vraisemblance, une erreur. Il est logique et sain que la Cour de cassation impose une lecture stricte des clauses restreignant la liberté de céder (agrément et préemption). La formule de l’arrêt commenté ne vient nullement remettre en cause cette position. Pas de revirement donc, mais un ajustement peut-être. De fait, il pourrait être soutenu que celui qui s’engage comme garant doit voir aussi son engagement strictement cantonné aux termes du contrat, de sorte que garantir dans l’hypothèse d’une cession aurait pu être vu comme n’emportant pas garantie en présence d’un apport partiel. L’argument s’imposerait sans doute en cas de cautionnement ou de garantie autonome, mais il est vrai avec l’appui de textes spécifiques.
Article publié dans le magazine Option Finance le 20 mai 2019
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