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L'euro, « un long fleuve tranquille »

04/06/2012


Depuis quelques mois et plus particulièrement ces derniers jours, les Etats, les établissements bancaires et financiers et les citoyens s'inquiètent du sort de la monnaie unique européenne. Cette attention, légitime d'un point de vue politique et économique, a suscité une littérature juridico-commerciale dont on ne sait plus si l'objectif est d'informer ou de susciter un besoin.

Un peu de recul permet de relativiser les conséquences juridiques des tourments potentiels de l'euro :

  • le « nominalisme » est l'un des principes du droit monétaire. Il prévoit que les conventions ne sont pas remises en cause par un changement de devise. Ce principe a fait l'objet d'une affirmation continue, notamment lors de l'adoption de la monnaie unique en 1998. La théorie de l'imprévision, dont les conditions sont relativement restrictives en droit français, ne doit donc pas trouver à s'appliquer. S'agissant des indices financiers, et comme en 1998, ils devront le cas échéant être adaptés. A défaut d'accord, la convention pourrait se poursuivre sur la base de l'indice économiquement le plus proche ;
  • c'est la loi de l'émetteur de la devise (la lex monetae) qui fixe les conditions de remplacement d'une devise par une autre. Il existe un débat sur le fait que la lex monetae soit pour l'euro le traité de l'Union européenne (TUE) et non le droit des pays membres. Le TUE ne prévoit pas de dispositions spécifiques à l'abandon par un pays de la monnaie unique, ce qui signifie qu'un tel abandon implique la sortie de cet Etat de l'Union européenne (UE). Par ailleurs, la procédure de sortie (et notamment les conditions de délais) fait douter que ces dispositions puissent finalement s'appliquer. Une sortie de l'euro implique donc une décision du pays sortant (en application de sa lex monetae) et un accord avec l'ensemble des pays de l'UE ;
  • la plupart des scénarios évoqués prévoient le maintien de l'euro avec un nombre restreint de pays. La question sera donc de savoir si une obligation libellée en euros doit toujours s'exécuter dans cette devise ou si elle doit l'être dans la devise du pays sortant. Même si la question n'est pas juridiquement nouvelle en droit français(1), la solution sera in fine celle reconnue dans le pays dans lequel cette obligation doit s'exécuter.


1. Le rattachement de l'Alsace-Lorraine à la France ou l'indépendance de l'Algérie ont permis aux juges de donner quelques pistes.

Par Grégory Benteux, avocat

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 4 juin 2012

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Grégory Benteux
Associé
Paris