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Les clauses d’exclusion de la garantie des vices cachés

Vraie ou fausse protection pour le vendeur ?

10/12/2018

La protection contre les vices cachés, prévue par le Code civil pour protéger l’acheteur, peut être exclue par contrat, sous réserve de respecter certaines règles, qu’il convient de connaître. Rappels. 

Le principe de garantie des vices cachés 

La garantie des vices cachés est une garantie légale inhérente à la vente, qui peut, sous certaines conditions, être exclue par le vendeur d’un bien défectueux.

L’article 1641 du Code civil met cette garantie à la charge du vendeur et précise que "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus".

Cette définition, qui n’a pas été affectée par la récente réforme du droit des contrats, exige que trois conditions soient remplies pour qu’un acheteur puisse revendiquer le bénéfice de la garantie des vices cachés : le vice doit être :

  • caché ;
  • antérieur à la vente ;
  • et rendre la chose affectée impropre à sa destination.

En cela, la garantie des vices cachés est distincte de l’obligation de délivrance conforme qui sanctionne la non-conformité de la chose vendue aux spécifications convenues par les parties.

L’article 1643 du Code civil dispose également que le vendeur "est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus". Cette garantie semble donc particulièrement protectrice des intérêts de l’acheteur.

Néanmoins, le législateur a souhaité donner au vendeur la possibilité d’exclure contractuellement cette garantie. Cette faculté semble, de prime abord, intéressante compte tenu du délai relativement long durant lequel un acheteur insatisfait peut intenter une action sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil : deux ans à compter de la découverte du vice, laquelle peut intervenir tardivement.

Les conditions de validité des clauses exclusives de garantie des vices cachés

Les tribunaux français ont, au fil du temps et de leur appréciation restrictive en la matière, défini les conditions de validité des clauses exclusives de garantie des vices cachés.

Rappelons tout d’abord que la validité de telles clauses suppose que le vice affectant le bien vendu réponde aux critères définis à l’article 1641 du Code civil.

Ensuite, le vendeur doit légitimement ignorer l’existence du vice affectant le bien objet de la vente. En effet, si l’acheteur peut prouver que le vendeur avait connaissance de l’existence du vice et était de mauvaise foi au moment de la vente, ce dernier ne pourra valablement lui opposer la clause d’exclusion de garantie contenue dans le contrat.

Il faut ici distinguer la situation du vendeur non-professionnel et de celle du vendeur professionnel :

  • le vendeur non-professionnel est présumé de bonne foi et peut légitimement ignorer les vices cachés affectant le bien vendu. La clause d’exclusion de la garantie des vices cachés stipulée dans son contrat de vente est donc en principe valide à moins que l’acheteur ne démontre que le vendeur connaissait le vice au moment de la vente. Dans ce cas, il y a manœuvre dolosive et la clause d’exclusion de garantie ne s’appliquera pas ;
  • le vendeur professionnel est présumé de mauvaise foi dans la mesure où la jurisprudence française fait peser sur lui une présomption de connaissance des vices de la chose. La clause d’exclusion de garantie des vices cachés stipulée dans le contrat de vente est donc inefficace, le vendeur professionnel ne pouvant rapporter la preuve positive de sa bonne foi.

La même solution s’impose lorsque le vendeur professionnel vend à un acheteur professionnel dont l’activité appartient à un autre domaine que celui du vendeur. En revanche, la clause excluant la garantie des vices cachés redevient efficace lorsque la vente est conclue entre professionnels de même spécialité (Cass, 3e civ., 30 juin 2016, n° 14-28.839).

Cette condition d’identité de spécialité est souverainement appréciée par les juges du fond, lesquels l’interprètent de manière très restrictive et casuistique. Pour décider si deux professionnels sont ou non de la même spécialité, il convient de déterminer si l’activité exercée par l’acheteur lui procure des connaissances professionnelles comparables à celles du vendeur.

La portée des clauses exclusives de garantie des vices cachés 

Si les conditions de validité énoncées ci-dessus sont remplies, il est tout à fait possible pour un vendeur d’aménager les modalités d’application, voire d’exclure (totalement ou partiellement), la garantie des vices cachés.

La portée d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés dépendra essentiellement de sa rédaction. A titre d’exemple, et sous réserve que cette clause soit valable, le vendeur peut :

  • exclure sa responsabilité pour tous les vices du bien vendu ou seulement pour certains vices ;
  • limiter sa responsabilité aux vices connus au jour de la vente ;
  • aménager les conditions de sa responsabilité en prévoyant un simple remplacement en cas de vice du produit et non un remboursement ;
  • encadrer et limiter le délai durant lequel l’acheteur pourra agir contre lui.

En tout état de cause, une telle clause devra être acceptée par l’acheteur pour lui être opposable.

Pour conclure : les situations dans lesquelles une clause exclusive de garantie des vices cachés peut être valablement opposée par un vendeur professionnel sont plutôt rares compte tenu de l’interprétation restrictive des juges français en la matière. Il faut donc étudier avec attention les connaissances professionnelles de l’acheteur et rédiger avec soin une telle clause afin que son insertion dans les contrats et conditions générales constitue une protection efficace pour le vendeur. A défaut, il risque bien de ne s’agir que d’une simple clause de style.

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Cet article a été publié dans notre Lettre des Affaires Commerciales de décembre 2018. Découvrez ci-dessous les autres articles de cette lettre.


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Lettre des réseaux de distribution | Juin 2018

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Paris