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Ouverture à la concurrence ferroviaire

l'ordonnance est publiée

18/01/2019

La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire organise une réforme institutionnelle, financière et concurrentielle du secteur ferroviaire. Tout en maintenant la structure verticalement intégrée issue de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, elle transforme notamment les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau en sociétés anonymes à capitaux publics à compter du 1er janvier 2020 et met en œuvre l’ouverture à la concurrence du secteur selon les modalités définies par le quatrième paquet ferroviaire. 

Ses articles 11, 22 et 28 habilitaient le Gouvernement à prendre dans un délai de six mois, par voie d’ordonnance, les mesures nécessaires pour fixer les modalités de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs.

C’est sur ce fondement qu’a été adoptée l’ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018. Celle-ci a ainsi pour objet de compléter les dispositions prévues par la loi du 27 juin 2018, en ce qui concerne :

  • l’indépendance des gestionnaires d’infrastructures ;
  • le régime juridique applicable aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs ; et
  • l’adaptation du système ferroviaire et la mise en cohérence des textes en lien avec le nouveau contexte concurrentiel.

Le renforcement de l’indépendance des gestionnaires d’infrastructures

La directive 2012/34 du 21 novembre 2012, telle que modifiée par la directive 2016/2370 du 14 décembre 2016, introduit de nouvelles exigences visant à garantir l’indépendance organisationnelle et décisionnelle du gestionnaire d’infrastructure s’agissant des fonctions essentielles (répartition des sillons et tarification de l’infrastructure), de la gestion du trafic et de la planification de l’entretien afin de répondre à l’objectif "d’égalité d’accès à l’infrastructure". En particulier, dans les entreprises verticalement intégrées, les autres entités juridiques ne peuvent avoir d’influence décisive sur les décisions prises par le gestionnaire d’infrastructure en ce qui concerne les fonctions essentielles ou sur les nominations et les révocations des personnes chargées de prendre des décisions sur les fonctions essentielles. En outre, la mobilité des personnes chargées des fonctions essentielles ne doit pas créer de conflits d’intérêts. Afin d’assurer la transposition de ces dispositions, le titre Ier de l’ordonnance prévoit les mesures ci-après destinées à renforcer les garanties d’indépendance des gestionnaires d’infrastructures ferroviaires :

  • indépendance opérationnelle des fonctions de gestion de l’infrastructure, notamment des fonctions essentielles. S’agissant des entreprises verticalement intégrées et afin d’assurer une transposition fidèle de la directive, l’ordonnance (suivant en cela l’avis n° 2018-079 du 15 novembre 2018 de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières - ARAFER) prévoit explicitement que "aucune des autres entités juridiques au sein d’une entreprise verticalement intégrée n'exerce une influence décisive sur les décisions prises par le gestionnaire d’infrastructures en ce qui concerne les fonctions essentielles" ;
  • mesures de transparence financière. Plus spécifiquement, une étanchéité économique est assurée entre le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires (impossibilité de prêt ou de dividendes, séparation des dettes, etc). L’ordonnance précise également que les comptes du gestionnaire d’infrastructure doivent "présenter un équilibre entre, d’une part, les recettes tirées des redevances d’utilisation de l’infrastructure, les excédents dégagés d’autres activités commerciales, les revenus non remboursables de sources privées et le financement par les pouvoirs publics, y compris, le cas échéant, sous forme d’avances, et, d’autre part, les dépenses d’infrastructure" ;
  • prévention des situations de conflit d’intérêts et des risques de comportement discriminatoire, notamment par l’interdiction de cumul de certaines fonctions dirigeantes. Par exemple, un membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de SNCF Réseau ne pourra pas être également membre du conseil d’administration ou de surveillance d’une entreprise ferroviaire ;
  • pouvoirs de contrôle accrus de l’ARAFER, notamment par l’extension de ses pouvoirs de règlement de différends et de sanction aux hypothèses de méconnaissance des dispositions garantissant l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure dans l’exercice de ses fonctions essentielles, la mise en œuvre dans des conditions transparentes et non discriminatoires des fonctions de gestion du trafic et de planification de l’entretien, la délégation des fonctions du gestionnaire d’infrastructure et la transparence financière du gestionnaire d’infrastructure.

L’encadrement du régime des services publics de transport ferroviaire de voyageurs

Conformément aux dispositions du règlement 1370/2007 du 23 octobre 2007 (dit "règlement OSP"), tel que modifié par le règlement 2016/2338 du 14 décembre 2016, la loi du 27 juin 2018 a prévu une ouverture à la concurrence progressive pour les services publics de transport ferroviaire de voyageurs.

Le titre II de l’ordonnance vient compléter et préciser le régime de passation et d’exécution des contrats relatifs à ces services ainsi que le sort des biens affectés à leur exploitation, en application de l’article 22 de la loi du 27 juin 2018.

Les règles de passation et d’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs

L’article 2 de l’ordonnance soumet les contrats de concession et les marchés publics de service de transport ferroviaire de voyageurs à un régime unique et spécifique de passation et d’exécution défini au nouvel article L.2121-17-1 du Code des transports.

Cet article renvoie, pour l’essentiel, en les adaptant, aux règles applicables aux contrats de concession. Il emprunte en outre aux règles applicables à la mise en concurrence des marchés publics la phase de "dialogue" pouvant être engagée avec les candidats "admis à participer à la procédure" afin de favoriser l’émergence de solutions de nature à répondre aux besoins de la personne publique. 

Le sort des biens affectés aux services publics ferroviaires

Les investissements nécessaires à l’acquisition et à la maintenance du matériel roulant représentent, de par leurs niveaux et leur caractère irrécupérable, des barrières à l’entrée pour l’accès au marché des services de transport ferroviaire de voyageurs conventionnés.

A cet égard, l’article 5 bis du règlement OSP modifié prévoit, dans un premier temps, que les autorités compétentes évaluent, préalablement au lancement de la procédure de mise en concurrence des contrats de service public ferroviaire, s’il convient de prendre des mesures pour garantir aux candidats intéressés un accès effectif et non discriminatoire à du matériel roulant adapté. Ce rapport d’évaluation doit être rendu public. Dans un second temps, les autorités compétentes peuvent décider, conformément à leur droit national, de prendre des mesures appropriées pour garantir un accès effectif et non discriminatoire à du matériel roulant adapté. Il mentionne, parmi les mesures susceptibles d’être prises, l’acquisition du matériel roulant utilisé aux fins de l’exécution du contrat de service public en vue de mettre ce matériel à la disposition de l’opérateur retenu. 

L’article 21 de la loi du 27 juin 2018 pose le principe du transfert aux autorités compétentes, à leur demande, des matériels roulants utilisés par SNCF Mobilités pour la poursuite de missions prévues par un contrat de service public et des ateliers de maintenance utilisés majoritairement pour l’exécution de services faisant l’objet d’un tel contrat, ainsi que des terrains y afférents. 

L’article 3 de l’ordonnance complète ce texte : 

  • d’une part, en précisant les modalités de transfert des matériels roulants (devenir des biens affectés à plusieurs services, transmission des éléments pour garantir le niveau de sécurité requis, transfert d’un stock de pièces détachées et des équipements embarqués nécessaires à l’exploitation, cession de la qualité de partie au contrat avec le constructeur) et des ateliers de maintenance (définition d’un atelier de maintenance et de l’utilisation "majoritaire").
    Pour ce qui concerne les matériels roulants, SNCF Mobilités doit les transmettre à l’autorité organisatrice dans un délai de trois mois suivant la demande de cette dernière et ce, sans contrepartie financière. Quant aux ateliers de maintenance, sont transférés à la demande de l’autorité organisatrice seulement ceux qui sont majoritairement utilisés pour des services conventionnés. Ce transfert donne lieu à une indemnité ;
  • d’autre part, en précisant la possibilité de transfert, à la demande des autorités organisatrices et sous certaines conditions, des autres biens nécessaires à la continuité et à la sécurité de l’exploitation ferroviaire.

L’adaptation du système ferroviaire au contexte d’ouverture à la concurrence des services

Enfin, le titre III de l’ordonnance contient des dispositions relatives à certains services essentiels à l’ouverture à la concurrence.

Gestion de certaines gares

La loi pour un nouveau pacte ferroviaire a créé, au sein de SNCF Réseau, une filiale dotée de l’autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière qui est chargée, à compter du 1er janvier 2020, d’assurer la gestion unifiée des gares de voyageurs. Elle a parallèlement habilité le Gouvernement à modifier, par ordonnance, les modalités de gestion et d’exploitation "des gares de voyageurs utilisées principalement par des services publics de transport ferroviaire" en permettant notamment aux autorités compétentes d’inclure dans le périmètre des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs, tout ou partie des prestations de gestion ou d’exploitation de ces gares.

L’article 4 de l’ordonnance permet, pour les gares régionales dont le trafic est majoritairement conventionné, aux autorités organisatrices de transport d’inclure, à leur demande, dans le périmètre des contrats de service public relatifs à l’exploitation des services ferroviaires, "tout ou partie des prestations de gestion ou d’exploitation des gares". Une convention conclue entre l’autorité organisatrice et le gestionnaire des gares précise notamment les modalités de réalisation de ces prestations et les mesures garantissant le caractère équitable, transparent et non discriminatoire de fourniture de ces prestations.

Cet article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les gares éligibles et les prestations pouvant être assurées en propre par une autorité organisatrice ou confiées par elle à l’opérateur titulaire d’un contrat de service public d’exploitation des services ferroviaires. 

Distribution des titres de transport

L’article 5 de l’ordonnance encadre, en application de l’article 28 de la loi du 27 juin 2018, certaines modalités de distribution des titres de transport ferroviaire.

Ainsi, les autorités organisatrices doivent garantir un accès non discriminatoire à la distribution des titres de transport ferroviaire qu’elles organisent pour les entreprises ferroviaires, les agences de voyages, mais aussi l’ensemble des autorités organisatrices. Les opérateurs ayant remporté le marché pourront assurer directement la distribution de titres de transport.

L'ordonnance renvoie au contrat de service public le soin de clarifier la répartition des rôles entre autorité organisatrice et opérateurs de services publics en matière de distribution.

Les règles de mise en cohérence

L'article 6 contient, en application des articles 22, 28 et 34 de la loi du 27 juin 2018, un certain nombre de dispositions destinées à mettre en cohérence les textes existants, notamment le Code des transports, avec le nouveau cadre concurrentiel et les évolutions prévues par la loi du 27 juin 2018.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations de janvier 2019Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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