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Airbnb : la nature du service proposé

en débat devant la Cour de justice de l’Union européenne

11/04/2019

Prestation d’hébergement, activité d’agent immobilier ou simple service de mise en relation entre particuliers ? C’est la question qui a été débattue le 14 janvier 2019 devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Deux questions préjudicielles ont en effet été renvoyées par le tribunal de grande instance de Paris le 13 juin 2018, à l’occasion d’une procédure pénale ouverte à l’encontre d’Airbnb pour non-respect des règles relatives à la profession d’agent immobilier.

L’enjeu de la qualification du service proposé par Airbnb – Il s’agit de déterminer si les prestations offertes par Airbnb constituent un "service de la société de l’information" au sens de l’article 2 de la directive n° 2000/31 du 8 juin 2000 relative au commerce électronique et bénéficient du régime spécifique de libre prestation de services entre les Etats membres prévu par l’article 3 de cette directive. En effet, ces prestations sont certes rendues en France par Airbnb mais elles le sont depuis le lieu de son principal établissement en Europe, à savoir l’Irlande.

Dans l’affirmative, la France ne disposerait que d’une marge de manœuvre réduite pour réglementer le "service Airbnb". Elle ne pourrait alors pas soumettre l’activité à l’obtention d’une autorisation préalable et serait tenue de notifier à la Commission européenne toute réglementation relative à ce service avant son entrée en vigueur. Faute d’avoir été notifiées, les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite "Hoguet" qui encadrent les conditions d’accès à la profession d’agent immobilier (carte professionnelle, assurance, clauses d’exclusivité, etc.) seraient dans ce cas invalides et inopposables à Airbnb.

Dans la négative, les prestations d’Airbnb relèveraient de la directive n° 2006/123 du 12 décembre 2006 dite "services" et des dispositions générales du Traité en matière de libre prestation de services (article 56 TFUE). Si, en principe, la prestation de services entre deux Etats membres ne peut pas non plus être soumise à autorisation dans le cadre de ce régime, l’Etat membre peut tout de même réglementer l’activité pour préserver certains objectifs d’intérêt général (sous réserve de règles non-discriminatoires, nécessaires et proportionnées à l’objectif visé). Dans ce cas, les dispositions de la loi Hoguet ne seraient pas, par principe, contraires au droit européen mais la France devrait néanmoins démontrer qu’elles répondent à des exigences d’intérêt général.

La qualification des services d’Airbnb par la CJUE aura donc un impact direct sur le cadre juridique applicable aux activités de ce type de plates-formes en France et, plus généralement, sur la capacité des Etats membres à en réglementer strictement l’exercice sur leur territoire.

Les précédents déjà examinés par la CJUE - Ces questions ne sont ainsi pas sans rappeler celles déjà examinées dans les deux affaires UberPop (CJUE 20 décembre 2017 C-434/15, Asociación Profesional Elite Taxi c/ Uber Systems SpainSL ; CJUE 10 avril 2018 C-320/16, Uber France). La Cour avait ici refusé de qualifier le service UberPop de "service de la société de l’information" considérant qu’il s’agissait d’une prestation globale de transport qui incluait la mise en relation via l’application des clients et chauffeurs non professionnels. Pour cela, la Cour s’était notamment appuyée sur deux critères :

  • la création d’une nouvelle offre innovante ; et
  • l’influence décisive d’Uber sur le fonctionnement général du service (cf. notre précédent article).

La question est de savoir si la Cour va appliquer le même raisonnement et considérer in fine que les situations sont assimilables.

L’avocat général Szpunar - dont les conclusions sur les deux affaires Uber avaient été largement suivies par la CJUE - se prononcera le 30 avril 2019 sur ces questions. L’arrêt de la CJUE est ensuite attendu pour l’été 2019.

Une décision qui en orientera d’autres - La position que prendra la CJUE dans cette affaire devrait être déterminante dans d’autres procédures pendantes devant le juge de l’Union. On pense notamment à la question préjudicielle concernant la conformité au droit de l’Union européenne de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite "ELAN" venue encadrer la mise en location de logements sur des plates-formes de même type (Cass. 3e civ., 15 novembre 2018, n° 17-26.156). Si la CJUE devait qualifier le "service Airbnb" de "service de la société de l’information", la question de la validité et de l’opposabilité de cette loi pourrait donc également se poser.

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