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Nouveau pacte ferroviaire

la loi est parue

11/10/2018

La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire organise une profonde réforme du secteur par l’ouverture du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence, une nouvelle organisation du groupe public ferroviaire, l’arrêt du recrutement au statut des cheminots et la reprise par l’Etat d’une partie de la dette de l’opérateur historique.

Le projet de loi adopté le 17 avril par l’Assemblée nationale en première lecture (voir notre analyse, publiée dans la dernière lettre des régulations) a été précisé et complété par le Sénat, avant d’être définitivement adopté, après la réunion d’une commission mixte paritaire, le 14 juin 2018. 

Les principaux axes de la réforme sont les suivants :
L’ouverture à la concurrence - L’exploitation des lignes TGV sera ouverte à l’exploitation concurrentielle à compter du 12 décembre 2020, avec la possibilité pour les concurrents de la SNCF de demander l’accès au réseau ferroviaire national et de commander des sillons à compter du 1er janvier 2019.

Pour ce qui concerne les trains régionaux, l’ouverture à la concurrence se fera, dans le respect du calendrier mis en place par le règlement 1370/2007 du 23 octobre 2007, selon le rythme souhaité par les régions, désignées comme autorités organisatrices du transport ferroviaire régional de voyageurs.

En effet, l’ouverture à la concurrence sera effective à partir du 3 décembre 2019 sous la double condition que les régions le souhaitent et que les contrats de service public en cours arrivent à leur terme. En l’état, quatre contrats d’exploitation régionale sur onze arriveront à leur terme avant le 3 décembre 2019 (Bretagne, Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur), les autres se terminant au plus tard fin 2025. Les régions pourront toutefois continuer d’attribuer directement des contrats à la SNCF jusqu’en décembre 2023, pour une durée maximale de 10 ans. En revanche, tout contrat attribué ou renouvelé après décembre 2023 sera conclu à la suite d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, sauf dérogations prévues par le règlement 1370/2007, auquel renvoie explicitement la loi.

Afin de lever les barrières à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, la loi prévoit que les matériels roulants et les ateliers de maintenance utilisés par SNCF Mobilités dans le cadre des contrats de service public conclus avec les régions seront transférés à ces dernières, à leur demande. Ce transfert se fera moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable des biens transférés.

Par ailleurs, un calendrier spécifique d’ouverture à la concurrence est prévu pour le réseau de l’Ile-de-France compte tenu de sa complexité et de sa densité.   

La transformation en société anonyme à capitaux publics - Au 1er janvier 2020, le groupe SNCF se transformera en un groupe unifié, composé de la SNCF, société nationale à capitaux publics intégralement détenue par l’Etat, et de deux filiales, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, intégralement détenues par la SNCF.

L’abandon du statut d’EPIC s’imposait dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du marché, sauf à encourir le risque d’une infraction au droit de l’Union européenne, la CJUE qualifiant la garantie implicite illimitée de l’Etat attachée à l’EPIC comme une aide d’Etat (voir notre article sur ce sujet dans la présente lettre). 

Le Sénat a ajouté que le capital de la SNCF et de ses filiales est incessible. Cette disposition, introduite afin d’apaiser les craintes des cheminots pour lesquels la transformation en société anonyme serait un premier pas vers la privatisation, est superfétatoire sur le plan juridique. En effet, dans la mesure où la loi désignait l’Etat comme seul propriétaire du capital du Groupe SNCF et ce dernier de ses deux filiales, aucune cession du capital ne pouvait intervenir sans l’adoption d’une nouvelle loi.

Des dispositions spécifiques de la loi sont consacrées au patrimoine et aux opérations immobilières ferroviaires afin de les exclure des effets de la transformation en société anonyme. Ainsi, les biens de la SNCF affectés à la mission de service public ne seront pas tous soumis au droit privé puisque le législateur donne pour objectif au Gouvernement de "déterminer le régime des biens dont le groupe public ferroviaire […] est propriétaire ou affectataire, dans le respect du caractère public des biens affectés à des missions de service public". Le Gouvernement peut également, par voie d’ordonnance, prévoir "le retour à l’État, de tout ou partie des biens, droits et obligations des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial constituant le groupe public ferroviaire" afin de les maintenir dans le domaine public du réseau et des gares.

La loi met fin à la gestion éclatée des gares entre les différentes entités de la SNCF et prévoit la réunification des gares au sein d’une filiale de SNCF Réseau.  

La reprise de la dette - Dans le cadre des négociations entamées avec les syndicats sur l’avenir de la SNCF et alors que la loi est muette sur cette question, le Gouvernement s’est engagé à alléger de 35 milliards d’euros l’endettement de la SNCF qui s’élevait, au 1er janvier 2017, à 54,5 milliards d’euros.

Cet allègement se fera en deux temps : une première partie de 25 milliards d’euros en 2020, puis une reprise complémentaire de 10 milliards d’euros en 2022.

Cette reprise devrait permettre à la SNCF de regagner des marges de manœuvre financières pour l’avenir. Pour empêcher la SNCF de constituer une dette insoutenable, la loi a renforcé la "règle d’or" créée en 2014.

Le nouveau cadre social pour les cheminots - D’après le Gouvernement, "dans un monde ouvert à la concurrence, la SNCF ne peut plus rester la seule à recruter ses salariés au statut face à des concurrents qui n’y seront pas soumis".

Ainsi, la loi prévoit qu’à compter du 1er janvier 2020, la SNCF ne recrutera plus de nouveaux cheminots au statut. La réforme s’applique uniquement aux futurs embauchés. En revanche, les cheminots sous statut le demeureront après la transformation du groupe SNCF en société anonyme.

Afin de doter l’ensemble du secteur ferroviaire d’un cadre social commun, une convention collective nationale destinée à arrêter les droits et devoirs communs des agents du groupe SNCF et des salariés des opérateurs ferroviaires privés devra s’appliquer au 1er janvier 2020. Les partenaires sociaux doivent donc avoir négocié d’ici 2019 une convention collective de branche.

Enfin, la loi prévoit un haut niveau de garanties sociales pour les cheminots dans le cadre de leur transfert vers le nouvel employeur avec lequel la région décidera de contracter : les cheminots emportent avec eux la garantie de l’emploi et leurs droits à la retraite ; des possibilités de refus sont aménagées pour les salariés dont l’activité n’est pas majoritairement consacrée à la ligne transférée et un droit au retour à la SNCF (entre la 3e et la 8e année après leur transfert), avec réintégration au statut, est également possible.


A lire également : 

Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations d’octobre 2018Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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