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Suppression de la garantie perte d’exploitation en période de crise sanitaire

Possible contrariété à l’interdiction du déséquilibre significatif et de l’avantage sans contrepartie

26/07/2021

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) s’est prononcée sur la conformité au droit des pratiques restrictives de concurrence, de la pratique consistant, pour un assureur, à supprimer la garantie de perte d’exploitation conférée par une police d'assurance, à peine de résiliation du contrat si l’assuré n’acceptait pas cette modification (avis CEPC n° 21-8 du 9 juillet 2021).

La pratique examinée

La CEPC a été saisie par un établissement de restauration rapide d’une demande d’avis sur la régularité de la pratique mise en œuvre par un assureur, en période de crise sanitaire liée au Covid-19. Il s’agissait de la résiliation à son échéance annuelle de la police multirisques professionnels souscrite en cas de refus de l’assuré d’accepter la suppression de la garantie perte d’exploitation prévue au titre de "l’impossibilité d’accès à l’établissement en cas d’interdiction par une autorité compétente ou une décision des Pouvoirs publics consécutive à : une maladie contagieuse, épidémie…"

Les risques encourus

Après avoir rappelé que les dispositions du titre IV du livre IV du Code de commerce sont applicables à toutes les activités de production, de distribution et de services et partant à l’activité d’assurance, indépendamment du régime juridique applicable à l’assureur (cf. Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-14.322, à propos de sociétés d’assurances mutuelles), la CEPC identifie plusieurs risques d’atteinte au droit des pratiques restrictives de concurrence.

  • Déséquilibre significatif.  La CEPC estime que la pratique litigieuse peut constituer un déséquilibre significatif au regard de l’article L.442-1-I-2° du Code de commerce. D’une part, le fait d’imposer ou de tenter d’imposer le changement de garantie sans possibilité de négocier et sous la menace de mettre fin au contrat en cas de refus d’acceptation paraît caractériser le critère de soumission ou de tentative de soumission requis par ce texte. D’autre part, la suppression d’une garantie, qui apparaît cruciale en la période actuelle de crise sanitaire, ceci sans réduction de prime, pourrait être de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
  • Avantage sans contrepartie. La CEPC considère également que la pratique pourrait constituer un avantage sans contrepartie au sens de l’article L.442-1-I-1° du Code de commerce. En effet, il pourrait être considéré que le fait d’obtenir ou tenter d’obtenir sans aucune contrepartie la suppression d’une garantie, cruciale en période de crise sanitaire, constitue "un avantage sans contrepartie" au sens de cette disposition.
  • Rupture brutale de la relation commerciale établie. La CEPC estime en revanche que la rupture brutale des relations commerciales établies doit en principe être écartée, la faculté de résiliation annuelle prévue par l’article L.113-12 du Code des assurances excluant le caractère établi de la relation d’assurance, dans la mesure où chacune des parties ne peut compter sur la pérennité de la relation. Toutefois ce même texte prévoit que "pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers", les parties peuvent déroger aux règles de la résiliation. Dans cette hypothèse, la relation pourrait être considérée comme établie si elle présente un caractère suivi, stable et habituel. Il faudrait alors s’interroger sur le point de savoir si le délai de préavis accordé par l’assureur (inférieur au délai de dix-huit mois au-delà duquel la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut plus aujourd’hui être recherchée) est suffisant au regard des critères de mise en œuvre de l’article L.442-1-II du Code de commerce.

La CEPC précise que le même raisonnement trouve à s’appliquer sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (voir notre flash "Réforme du Code de commerce - Un nouveau cadre pour les relations commerciales entre professionnels").

Soulignons que l’Autorité de la concurrence a également été saisie en parallèle de la conformité de la pratique dénoncée, cette fois-ci au regard du droit des pratiques anticoncurrentielles.


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