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Flash info Marchés de Capitaux | Déclarations de franchissements de seuils et OPA obligatoire

vers une assimilation des equity swaps à dénouement monétaire aux actions détenues ?

11/08/2011

Dans la foulée de la montée de LVMH au capital d'Hermès, de la montée de Lactalis au capital de Parmalat en Italie et de la décision de sanction de l'AMF sur la montée de Wendel au capital de Saint-Gobain, opérations qui avaient en commun l'utilisation d'equity swaps, le sénateur Philippe Marini a déposé devant le Sénat une proposition de loi visant à assimiler aux actions détenues, pour les besoins des déclarations de franchissements de seuils et du seuil de déclenchement d'une OPA obligatoire, les instruments financiers dérivés à dénouement monétaire (c'est-à-dire qui se dénouent en numéraire, sans permettre une livraison des actions sous-jacentes), notamment les equity swaps et les contracts for difference.

Dans sa rédaction actuelle, issue d'une réforme pourtant récente (ordonnance n°2009-105 du 30 janvier 2009, prise à la suite du rapport préparé en 2008 par le groupe de travail de l'AMF présidé par M. Bernard Field), l'article L.233-9 du Code de commerce assimile aux actions détenues les actions qu'une personne « est en droit d'acquérir à sa seule initiative », expression qui couvre les equity swaps permettant un dénouement physique (physical delivery), c'est-à-dire permettant une livraison des actions sous-jacentes. En revanche, les equity swaps dont le dénouement ne peut se faire qu'en numéraire (cash settled) ne sont pas assimilés aux actions détenues mais font l'objet d'une information complémentaire si un franchissement de seuil « en dur » est par ailleurs franchi (article L.233-7 I (c) du Code de commerce, qui vise tout instrument financier « réglé exclusivement en espèces et ayant pour cette personne un effet similaire à la possession desdites actions »).

1. Le contenu de la proposition de loi

La proposition de loi du sénateur Marini vise à apporter plusieurs modifications au régime actuel.

  • Assimilation des instruments financiers à dénouement monétaire. L'article L.233-9 du Code de commerce (cas d'assimilation aux actions ou aux droits de votes possédés) serait complété pour couvrir « les actions déjà émises sur lesquelles porte tout accord ou instrument financier mentionné à l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, réglé en espèces et ayant (…) un effet économique similaire à la possession desdites actions (…) ». Les instruments financiers dérivés à dénouement monétaire seraient donc désormais assimilés à des actions détenues « en dur » pour les déclarations de franchissement de seuils. Corrélativement, ces instruments ne donneraient plus lieu à une information séparée, qui serait toutefois maintenue pour les titres donnant accès à des actions non encore émises et pour les actions déjà émises que le déclarant ne peut acquérir de sa seule initiative.
  • L'assimilation vaudrait également pour le calcul du franchissement du seuil de 30% de l'OPA obligatoire. Les modalités de calcul du franchissement du seuil de 30% applicable en matière d'offre publique obligatoire resteraient alignées sur celles applicables aux franchissements de seuils. Les instruments dérivés à dénouement monétaire seraient donc pris en compte pour le calcul du seuil de 30%.
  • Abaissement à 3% du premier seuil de déclaration. Le premier seuil légal de déclaration de franchissement serait fixé à 3% du capital ou des droits de vote (contre 5% actuellement). Les exemptions existantes seraient maintenues, notamment pour les actions figurant dans le portefeuille de négociation des prestataires de service d'investissement dans la limite de 5% du capital ou des droits de vote. Ce nouveau seuil s'ajoute au seuil actuel de 5% qui est conservé.
  • Des déclarations plus précises et à actualiser. La déclaration d'intention qui doit être effectuée à l'occasion du franchissement des seuils de 10, 15, 20 et 25% du capital ou des droits de vote devrait désormais préciser les intentions du déclarant en matière de dénouement des accords ou instruments financiers auxquels il est partie. Tout déclarant ayant effectué une déclaration de franchissement de seuil aurait par ailleurs une obligation d'actualiser sa déclaration en cas de modification du mode de détention des actions ou des droits de vote.
  • Le confortement du pouvoir de sanction pécuniaire de l'AMF. Une sanction pécuniaire spécifique serait créée pour permettre à l'AMF de prononcer une sanction pouvant aller jusqu'à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de non respect des obligations déclaratives.

Dans un calendrier parlementaire déjà particulièrement chargé, le sénateur Marini indique envisager une adoption de la proposition de loi avant la fin de l'année 2011, pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2012.

2. Quelques éléments à modifier

La nécessité de renforcer la transparence du marché est réelle et certaines imperfections des règles actuelles devraient être corrigées. La proposition de loi du sénateur Marini intervient donc à un moment opportun. Toutefois, certains éléments de la proposition devraient être modifiés, pour que la transparence du marché soit assurée sans effets pervers.

  • Maintenir une information séparée, mais qui soit déconnectée d'un franchissement de seuil « en dur ». Le principe d'une information séparée pour les instruments financiers à dénouement monétaire doit être privilégié à une assimilation aux actions détenues « en dur », qui poserait des difficultés pratiques très importantes, a fortiori si la même méthode de calcul est utilisée pour le calcul du franchissement du seuil de 30% en matière d'OPA obligatoire. Ces difficultés avaient été soulignées dans une proposition de réforme du régime de déclaration des instruments à dénouement monétaire publiée conjointement le 28 janvier 2011 par trois associations professionnelles, l'AMAFI, l'ANSA et la FBF. Une alternative à l'assimilation envisagée par le sénateur Marini serait de maintenir le principe d'une information séparée pour les instruments dérivés à dénouement monétaire, mais de déconnecter cette information du franchissement ou non d'un seuil « en dur » : la déclaration serait requise dès lors qu'une personne détient une exposition économique supérieure à 5% du capital ou des droits de vote, même si elle a moins de 5% des actions « en dur ». La proposition AMAFI-ANSA-FBF prône d'ailleurs une telle déconnexion, en y ajoutant quelques subtilités. Avec cette déconnexion des déclarations, la transparence du marché serait assurée et les détournements qui ont pu être critiqués n'auraient probablement pas eu lieu.
  • Maintenir le premier seuil de déclaration à 5%. L'abaissement du premier seuil légal de déclaration à 3%, prévu dans la proposition de loi et également envisagé dans la proposition AMAFI-ANSA-FBF, entrainerait une multiplication des déclarations, qui risquerait de noyer les déclarations pertinentes au milieu d'une majorité de déclarations qui ne le sont pas. Un tel abaissement du seuil serait également source de lourdeurs pour les intervenants disposant de participations significatives dans des sociétés cotées et qui doivent déjà gérer avec difficulté au jour le jour leurs éventuels franchissements de seuils, à la hausse et à baisse, en capital et en droits de vote. Si le marché est informé de la détention d'actions « en dur » et, par une information séparée indépendante, des éventuels instruments financiers à dénouement monétaire, le maintien du premier seuil légal à 5% semble suffisant pour assurer le niveau de transparence adéquat.
  • Sur la nécessité de créer une sanction pécuniaire dédiée. Gendarme de la bonne information du marché, l'AMF dispose déjà de nombreux outils et d'un arsenal conséquent pour sanctionner d'éventuels contournements de la réglementation, notamment si un equity swap à dénouement monétaire est utilisé abusivement pour permettre un transfert des actions correspondantes. Elle a d'ailleurs déjà prononcé des sanctions pour le non-respect de la réglementation sur les franchissements des seuils. Il n'est donc peut-être pas nécessaire de créer une sanction supplémentaire qui serait spécifique à cette problématique.

Le texte intégral de la proposition de loi « tendant à améliorer l'information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier » peut être obtenu à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/ppl10-695.html

Contact

Marc-Etienne Sébire
Responsable Marchés de capitaux

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Marc-Etienne Sébire
Associé
Paris