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Les mystères de la nouvelle définition du placement par l’AMF

23/07/2012


C’est par une simple phrase, dans sa position n°2012-08 du 16 juillet 2012 (la « Position »), que l’AMF vient préciser le périmètre de l’activité de placement et, par là même, rassurer les réseaux de distribution et leurs pratiques.

En effet, l’interprétation donnée précédemment à cette activité posait de réelles difficultés aux distributeurs de produits financiers. Ainsi, on se souvient des positions de 2008 de l’AMF en matière de placement de holdings IR ou ISF par lesquelles le régulateur avait souligné le caractère illégal de l’intermédiation d’un conseiller en investissements financiers (CIF ) à l’occasion d’une offre de titres de capital. Ces premières positions, certainement trop conformes à une application stricte du droit, ne pouvaient perdurer dans un marché français où le client ne souhaite pas rémunérer le conseil et où l’émetteur reste par conséquent le seul acteur disposé à le faire.

En conséquence, en vertu de la nouvelle interprétation, il faut désormais considérer que « lorsqu’un conseiller en investissements financiers distribue des produits d’épargne tels que des OPCVM ou des titres de créances émis par des entreprises d’investissement ou des établissements de crédit (EIEC), ce distributeur ne fournit pas de service de placement ».

Il faut ici souligner le fait que l’AMF prend bien soin de ne pas modifier les termes mêmes de la définition de l’activité de placement, le régulateur conservant ceux déjà utilisés il y a plus de 15 ans par le Conseil des marchés financiers. Ainsi, sur la forme, rien ne change.

En revanche, la position de l’AMF ouvre grand la porte à toutes les activités de distribution aux CIF qui peuvent désormais rechercher des souscripteurs de produits obligataires émis par des EIEC et être rémunérés par eux pour cette activité. Ce n’est pas du placement, que la loi définit comme la recherche de souscripteurs pour le compte d’émetteurs, c’est autre chose.

Cette autre chose, c’est peut-être le service fourni par le distributeur au client investisseur, un investisseur auquel le premier est tenu de déclarer les rétrocessions qu’il reçoit et ses éventuels conflits d’intérêts.

Bien sûr, pour faire bonne mesure et éviter les abus, le régulateur prend bien soin de circonscrire son analyse aux titres financiers désignés comme « produits d’épargne », produits qui ont « d’abord pour objet d’offrir une solution d’épargne aux investisseurs ».

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si l’on ne s’interrogeait pas sur le périmètre du concept de « produits d’épargne » créé par l’AMF, ce terme recouvrant selon l’AMF les OPC et les titres de créances émis par les EIEC de l’OCDE ou de l’Espace économique européen : un EIEC hors OCDE ne peut-il donc jamais émettre de produit d’épargne ? Une action de holding IR n’est-elle pas un produit d’épargne ? Et à partir de quand, une obligation émise par un établissement de crédit constitue-t-elle un produit d’épargne et non pas un « simple » titre de créances négociables ? La Position laisse le soin à la pratique d’apporter les réponses.

En conclusion, le juriste s’étonnera, à la lecture de la Position, de cette interprétation qui exclut la qualification de placement sur la seule base de la destination réservée à un produit financier par son souscripteur ; le praticien saluera lui le confort qu’elle apporte aux structurations actuelles. Les deux se satisferont en tous les cas de ce que tout change pour que tout reste comme avant.


Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 23 juillet 2012

Auteurs

Portrait deJérôme Sutour
Jérôme Sutour
Associé
Paris