La responsabilité pénale pouvait, jusqu’à une période relativement récente, sembler très éloignée des opérations de fusion-acquisition. Les choses ont changé, et l’on peut dire que le risque pénal, qui était autrefois attaché aux seules personnes physiques qui avaient commis matériellement une infraction, est devenu beaucoup plus prégnant.
C’est tout d’abord la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales intervenue en 1994 qui a obligé les futurs nouveaux maîtres d’une société à se poser la question du risque pénal encouru par elle. Dès lors qu’une société peut commettre une infraction et être sanctionnée pour cela, celui qui entend prendre le contrôle de cette société ne peut plus ignorer le risque pénal latent. Consulter le casier judiciaire de la personne morale n’est pas suffisant. Il faut aussi s’assurer que des infractions n’ont pas été commises, qui bien que non encore constatées pourraient faire l’objet de poursuites, au risque d’amoindrir significativement la valeur économique de la société cédée sinon de compromettre son fonctionnement même. D’autres évolutions du droit positif font que les personnes en charge de réaliser une opération de transmission d’entreprise sont conduites à prendre davantage encore en considération le risque pénal.
Un premier élément en ce sens a été la généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales intervenue en 2005. Cette responsabilité ne supposant plus un texte spécial, le nombre de situations dans lesquelles la responsabilité pénale d’une société peut être engagée s’est trouvé considérablement amplifié. L’allongement de la prescription de l’action publique opéré en 2017 est un autre élément qui milite dans le sens d’une vigilance accrue. Dès lors que l’écoulement du temps produit moins facilement un effet de purge de la responsabilité pénale d’une société, le repreneur et ses conseils doivent rechercher plus loin dans le passé de la société transmise pour identifier le risque pénal.
Un troisième élément résulte du revirement opéré en 2020 par la Cour de cassation qui reconnaît désormais qu’en cas de fusion, la société absorbante peut voir sa responsabilité pénale engagée au titre de faits commis par l’absorbée antérieurement à la fusion. La responsabilité pénale devient donc, au même titre que la responsabilité civile, une donnée à prendre en considération avec une attention particulière par l’absorbante et ses conseils. Ces évolutions juridiques voient leur influence accrue par un phénomène de politique législative bien identifié, qui est la surutilisation de la sanction pénale. Précisons le propos : le législateur multiplie les recours à la responsabilité pénale dans de nombreux domaines, ce qui accroît démesurément les situations dans lesquelles un risque pénal existe, sans toujours que celui-ci se concrétise par une condamnation. La pratique dans ce domaine témoigne en particulier du nécessaire discernement qu’impose l’analyse de la réalité de ce risque pénal. Pour autant, ce dernier peut de moins en moins être négligé par les praticiens des opérations de fusion-acquisition.
Dossier : le risque pénal dans les opérations de fusion-acquisition, mythe ou réalité ?
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