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Fiscalité des sociétés : les nouveautés de la jurisprudence 2008

Arnaud Donguy, Avocat

29/04/2009

Comme les années précédentes, nous nous proposons de revenir sur les enseignements que les sociétés peuvent retirer de la jurisprudence fiscale de l'année écoulée. La présente synthèse s'attardera plus particulièrement sur la fiscalité des groupes et sur celle des restructurations.

1. Fiscalité des groupes

1.1. Intégration fiscale 
L'arrêt le plus spectaculaire de l'année 2008 en la matière est sans conteste celui rendu le 27 novembre par la CJCE dans l'affaire dite « Papillon » (n°C-418/07) par lequel il a été jugé que le système français de l'intégration fiscale n'est pas conforme au droit communautaire en ce qu'il interdit à une société mère d'intégrer des sous-filiales françaises indirectement détenues par l'intermédiaire de filiales établies dans un autre Etat membre. Cette décision remet partiellement en cause le régime de l'intégration fiscale et soulève de nombreuses interrogations que le législateur devra résoudre. Dans l'immédiat, les groupes qui y auraient intérêt sont en droit de demander l'inclusion dans leur périmètre intégré des sous-filiales françaises ainsi détenues indirectement à plus de 95%.

Egalement d'une grande portée pratique, un jugement du TA de Cergy Pontoise du 15 mai 2008 (n°04-5972) énonce que la réallocation par la mère aux filiales déficitaires de l'économie d'impôt réalisée par le groupe, n'est pas constitutive d'une subvention dès lors qu'aucune disposition légale n'impose l'attribution de cette économie à la société mère. Cette décision infirme la doctrine de l'administration fiscale peu respectueuse des droits des associés minoritaires de la filiale déficitaire (mais qui avait été néanmoins validée par un arrêt de la CAA de Versailles le 23 novembre 2006). La suite de cette affaire permettra peut-être d'obtenir enfin une solution définitive sur cette question de réallocation des déficits dont les conséquences pratiques sont importantes, en particulier lors des sorties de groupe.

1.2. Distributions de dividendes

Nous distinguerons ici deux arrêtsLe Conseil d'Etat (CE) a rendu le 9 janvier 2008 un arrêt de non admission (n°302092) particulièrement rigoureux d'un pourvoi visant un arrêt de la CAA de Nantes qui avait refusé l'application du régime d'exonération des dividendes de filiales (régime dit « mère filles » des articles 145 et 216 du CGI) dans un cas où, en l'absence de profit comptable (constatation d'un boni fiscal lors de la transformation d'une filiale SA en SNC non soumise à l'IS), la société mère n'avait pas été en mesure d'opter formellement pour l'exonération sur l'imprimé 2058 A de sa déclaration de résultat. Cet arrêt fournit l'occasion de rappeler que l'option pour ce régime d'exonération est une décision de gestion qui ne se présume jamais et pour laquelle il est prudent de joindre une mention explicite dans les déclarations.

En matière de droits d'enregistrement, sera relevé un arrêt du 12 février 2008 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (n°05-17085) décidant que la remise d'un immeuble en paiement du dividende dû à l'actionnaire est un acte unilatéral qui ne saurait constituer une cession à titre onéreux (contrat) soumise au droit de vente d'immeubles.

1.3. Relations intragroupe

Comme toujours, c'est ici la question de la normalité des actes entre sociétés dépendantes qui est en jeu.

La jurisprudence se montre traditionnellement rigoureuse à l'encontre du contribuable en matière de fixation de prix intra groupe. Le CE a cependant rappelé qu'en cette matière la dialectique de la preuve doit être respectée. Ainsi, a-t-il jugé le 16 mai 2008 (n°288101) que l'administration n'apporte pas la preuve d'un acte anormal de gestion lorsque, en réponse aux éléments circonstanciés fournis par la société, elle se borne à affirmer que la rémunération des prestations de la société mère au bénéfice de sa filiale ne saurait excéder le coût de revient des prestations pour la société mère majoré de 10%. Le CE renouvelle ici une exigence d'appréciation pragmatique et concrète des faits.

Le CE s'est prononcé le 11 avril 2008 (n°281033) sur la question de la déductibilité d'un abandon de créances consenti à la succursale déficitaire d'une filiale étrangère bénéficiaire en jugeant que cet abandon était juridiquement consenti à la seule filiale et qu'à cet égard, la normalité de l'aide consentie devait être appréciée au regard de la situation de cette dernière. En l'espèce, la situation de la filiale ne justifiait qu'il lui soit venu en aide car elle avait les moyens financiers de subvenir aux besoins de sa succursale.

Dans ces deux affaires, les Juges se sont donc attachés, comme très souvent en la matière, à un examen concret des faits.

2. Fiscalité des restructurations

2.1 Réductions de capital

Les opérations de réduction de capital ont fait l'objet d'une jurisprudence particulièrement instructive en ce qui concerne leurs conséquences sur les calculs des gains ou pertes sur titres de participation. La Cour de cassation a, quant à elle, mis fin à une longue controverse sur l'application du droit de partage.

Le CE a ainsi jugé le 26 mars (n°301413) que dans le cas où une société cède sa participation dans une filiale moins de deux ans après que celle-ci a réalisé un « coup d'accordéon », le montant de la souscription à l'augmentation de capital doit être réparti proportionnellement entre les titres acquis à l'origine et ceux issus de l'augmentation de capital. Il en résulte qu'une partie de la moins-value subie lors de la cession des titres relève du régime du court terme et peut donc être déduite des résultats imposables. Le CE fait ici preuve de réalisme en retenant que les seuls éléments à prendre en considération sont les montants investis dans la participation et les dates des investissements en cause. Les conséquences de cet arrêt devront être soupesées avant toute opération en capital visant une filiale susceptible d'être cédée dans les deux ans.

En revanche, et toujours avec le même souci de réalisme, le CE a jugé le 17 octobre (n°293467) que lorsqu'une société procède à une réduction à zéro de son capital, suivie d'une augmentation de capital, la société actionnaire n'est pas autorisée à constater une perte définitive mais peut seulement constituer, le cas échéant, une provision pour dépréciation dès lors que, grâce à son droit préférentiel de souscription, son pourcentage de participation dans la société a augmenté à l'issue de l'opération.

Enfin, la Cour de cassation a jugé qu'une réduction de capital par abaissement de la valeur nominale des parts avec remboursement en numéraire à l'ensemble des associés ne constitue pas un partage assujetti au droit de 1,1%, lequel ne peut viser que la liquidation (23 septembre, n°07-12-493). Le législateur a depuis tiré les conséquences de cet arrêt en supprimant le droit de partage pour les réductions de capital.

2.2 Fusions et opérations assimilées

En la matière, le Juge a rappelé certains principes en se fondant sur des qualifications juridiques strictes.

S'agissant tout d'abord des pertes réalisées au sein d'une société absorbée, le CE rappelle avec force la théorie du prix d'acquisition, à savoir que ces pertes ne sont pas déductibles des résultats imposables de la société absorbante dans la mesure où elles sont censées avoir été retenues pour déterminer le calcul des parités de fusion (27 juin, n°282910). En revanche, dans l'hypothèse où les pertes (en l'occurrence des détournements de fonds) ont été cachées à l'absorbante qui avait procédé à des diligences normales, elles sont déductibles des résultats de cette dernière (CE 6 juin, n°285629).

En matière de taxe professionnelle, le Juge a rappelé qu'une opération de « dissolution sans liquidation » (TUP) qui résulte d'une décision unilatérale, ne constitue pas une cession et n'est donc pas soumise aux règles de maintien des bases d'imposition prévues à l'article 1469, 3° du CGI (CAA Douai, 3 juin, n°07-1475). Il a également rappelé que la règle de la valeur locative plancher (article 1518 B du CGI) ne s'applique que lorsque l'établissement est entièrement cédé à un même exploitant et non lorsque les locaux et les matériels sont cédés à des personnes distinctes, même si les locaux sont mis à la disposition du nouveau propriétaire des matériels par un contrat de crédit bail (CE, 3 septembre, n°295010).

Enfin, en matière de droits d'enregistrement, la Cour de cassation a considéré que l'apport d'une activité de fabrication et de distribution de produits ne peut pas constituer une branche complète d'activité dès lors que la marque relative à ces produits n'avait pas été transférée, mais avait seulement été concédée pour une période transitoire (28 mai, n°07-12441). La Cour confirme donc sur ce point sa position stricte, heureusement tempérée par la doctrine de l'administration fiscale qui accepte de reconnaître une branche complète d'activité dans un tel cas dès lors que la marque est utilisée par plusieurs sociétés et qu'elle fait l'objet d'une concession d'une durée d'au moins 10 ans.

En conclusion, la jurisprudence de l'année écoulée apporte de nombreuses indications sur des sujets concrets, tels les réductions de capital, et ouvre grâce à l'arrêt « Papillon » de la CJCE un vaste champ de réflexion et d'opportunités aux fiscalistes d'entreprises et à leurs conseils.

Article paru dans la revue Option Finance du 2 mars 2009

Auteurs

Arnaud Donguy