Par arrêt du 15 avril 2021 le Conseil d’Etat enjoint le Premier ministre de prendre des dispositions règlementaires pour que tout projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine soit soumis à une évaluation environnementale.
La directive 2011/92/UE1 a pour ambition de « réaliser l’un des objectifs de l’Union dans le domaine de la protection du milieu et de la qualité de la vie »2 en intégrant des considérations environnementales dans l’élaboration et l’autorisation des projets. Elle impose ainsi la réalisation d’une évaluation pour certains projets publics et privés3. Le droit français peine à s’approprier cet objectif. En dépit des réformes effectuées depuis la loi du 10 juillet 19764 ayant imposé une étude d’impact, le champ des évaluations reste insuffisant pour protéger l’environnement et la santé humaine.
Les projets sont évalués en fonction des incidences notables sur l’environnement qu’ils peuvent engendrer. Ceux ayant nécessairement des incidences notables sur l’environnement sont systématiquement évalués5. Les autres projets susceptibles d’avoir des incidences notables sont évalués au cas par cas, en fonction de critères et de seuils6.
La demande d’annulation
Les associations France Nature Environnement et FNE Allier ont saisi le Conseil d’Etat pour que soit annulé le décret du 4 juin 20187 modifiant certains de ces critères et seuils
Ce texte ajoutait notamment un seuil d’accueil de 1 000 personnes pour que les projets « autres équipements sportifs ou de loisirs et aménagements associés » soient évalués. Les projets d’une capacité d’accueil inférieure échappaient ainsi à toute évaluation nonobstant leurs incidences sur l’environnement.
Le Conseil d’Etat censure cette modification, jugeant que l’instauration d’un seuil en deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d’évaluation n’est pas compatible avec les objectifs de la directive. L’examen du décret du 4 juin 2018 a par ailleurs été l’occasion pour le Conseil d’Etat de constater que les seuils fixés par la France se fondent principalement sur la dimension des projets.
Or, la directive 13 décembre 2011 prévoit que doivent être soumis à évaluation « les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation8 ». L’emploi de l’adverbe « notamment » implique qu’il s’agit d’une liste non limitative.
En effet, comme le relève le Conseil d’Etat, un projet peut avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine en raison d’autres caractéristiques que sa dimension, comme sa localisation. Dès lors, tout projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine doit être évalué. Le Conseil d’Etat ne pouvait que censurer le décret, incompatible avec les objectifs de la directive du 13 décembre 2011.
Une telle censure était prévisible au regard de la jurisprudence établie de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)9 et du rapport Jacques Vernier10 qui préconisait déjà en 2015 l’adoption d’une clause filet jugée « indispensable au regard des exigences du droit européen ». Le Conseil d’Etat enjoint donc le Premier ministre de prendre, dans un délai de 9 mois, les dispositions nécessaires pour intégrer une clause filet dans la règlementation applicable à l’évaluation environnementale des projets. Il s’agit d’une nouvelle occasion pour la France de s’approprier les objectifs européens environnementaux après deux mises en demeure adressées par la Commission11 de mettre sa législation relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement en conformité avec les normes européennes. Cela aura un impact sur l’étude des projets et leur nécessaire adéquation avec les incidences qu’ils pourraient avoir.
Article paru dans la Lettre de l'immobilier de septembre 2021
1. Directive n°2011/92/UE du 13 décembre 2011 « concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement » modifiée par la Directive 2014/52/UE du 16/04/14 notamment transposée en droit interne par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 et l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016. 2. §3 du préambule de la Directive 2011/92/UE. 3. Listés au sein de ses annexes 1 et 2. 4. Loi n°76-629 du 10 juillet 1976 « relative à la protection de la nature ». 5. Projets énumérés dans la première colonne de la nomenclature annexée à l’article R.122-2 du Code de l’environnement. 6. Projets énumérés dans la seconde colonne de la nomenclature annexée à l’article R.122-2 du Code de l’environnement. 7. Décret n°2018-435 du 4 juin 2018. 8. Critères définis à l’annexe 3 de la directive n°2011/92/UE. 9. CJUE, 24 mars 2011, n°C-435-09, Commission c/ Belgique concernant les projets relatifs aux installations industrielles destinées à la fabrication de pâte à papier à partir de vois ou d’autres matières fibreuses ; CJUE, 20 novembre 2008, C-66/06 Commission c/ Irlande ; CJUE, 13 juin 2002, Commission / Espagne, C-474/9 ; CJUE 15 octobre 2009, Commission / Pays-Bas, C255/08. 10. « Moderniser l’évaluation environnementale », rapport établi par Jacques Vernier, Président du groupe de Travail, mars 2015. 11. Mises en demeure des 7 mars 2019 et 18 février 2021 de la Commission européenne.
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