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Droit des entreprises en difficulté | Réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives (ordonnance du 12 mars 2014) : mesures phares | Flash info Corporate

27/03/2014

Le 12 mars 2014, la garde des Sceaux a présenté, en Conseil des ministres, l’ordonnance n° 2014-326 « portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives ». Cette ordonnance est adoptée en vertu de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Elle entrera en vigueur le 1er juillet 2014 et sera applicable aux procédures ouvertes à compter de cette date. Le décret appelé à modifier la partie réglementaire du livre VI est, pour sa part, encore en préparation à la chancellerie.

L’objectif est de mieux lutter contre les difficultés des entreprises en favorisant la prévention, en simplifiant les procédures et en réduisant les délais.

Si cette ordonnance instaure un panel de solutions destinées à encourager le chef d’entreprise à s’adresser au tribunal le plus rapidement possible, dès la survenance des premiers signes de difficultés, certaines mesures méritent d’être soulignées.

Notons tout d’abord que l’ordonnance n’a pas repris l’une des mesures les plus emblématiques, mais aussi les plus critiquées figurant dans le Projet soumis à consultation

En effet, avait été envisagée la possibilité d’évincer, sur décision du tribunal, les associés ou actionnaires faisant obstacle à l’adoption du projet de plan de redressement par cession forcée de leurs parts ou actions, au prix fixé par expert. Toutefois, une ordonnance complémentaire est en préparation sur ce point.

Néanmoins, plusieurs dispositions nouvelles témoignent de la volonté d’imposer aux associés des efforts comparables à ceux qu’acceptent les créanciers.

Le privilège accordé aux apporteurs d’argent frais (new money) est étendu aux apports réalisés pendant la procédure de conciliation précédant l’accord de conciliation

L’ordonnance réalise un élargissement du privilège de la conciliation : il bénéficie désormais aux apports en trésorerie et aux fournitures de biens ou de services consentis « dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué » et non plus seulement à ceux consentis dans l’accord homologué (art. L.611-11).

De plus, le régime de ce privilège est précisé. Il est dorénavant expressément prévu que le tribunal ne pourra imposer, dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté dans une procédure collective ultérieure, des délais ou des remises aux créanciers bénéficiant du privilège de new money (art. L.626-20). Ces créanciers peuvent toutefois, s’ils l’acceptent, consentir à ces délais ou remises.

A noter aussi que, pendant l’exécution de l’accord de conciliation, des délais de grâce peuvent désormais être accordés par le juge, lorsque le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l'un des créanciers appelés à la conciliation au titre d'une créance qui n'a pas fait l'objet de l'accord (art. L.611-10-1). Ces délais sont accordés dans les conditions du droit commun des articles 1244-1 et suivants du Code civil (deux ans au plus). Les créanciers publics (administrations financières et organismes de sécurité sociale) ne sont toutefois pas concernés.

Liquidation judiciaire « prépackée »

L’ordonnance consacre la pratique naissante des liquidations judiciaires « prépackées » en permettant de confier une mission tendant à la cession totale ou partielle de l’entreprise au conciliateur (art. L.611-7).

Sort de l’associé

C’est là, comme indiqué plus haut, un des axes majeurs de la réforme.

Cinq nouveautés doivent être mentionnées, qui jouent, sauf exception, aussi bien en sauvegarde qu’en redressement ou liquidation judiciaires.

  • Tout d'abord, le tribunal peut modifier les conditions de quorum et de majorité « lorsqu’il donne mandat à l’administrateur judiciaire, en application de l'article L.626-16, de convoquer l’assemblée générale des actionnaires à l'effet de statuer sur les modifications de capital prévues par le plan » (art. L.626-16-1).
  • La fraction non libérée du capital social devient immédiatement exigible dès l’ouverture de la procédure (art. L.624-20). Et le mandataire judiciaire ou le liquidateur aura qualité pour agir contre l’associé ou l’actionnaire défaillant.
  • Ensuite, les « associés et les actionnaires » sont incités à convertir leurs créances en capital (art. L.626-3).
  • Par ailleurs, et peut-être surtout, si le projet de plan de redressement prévoit une modification du capital, qui n’a pu être votée par la collectivité des associés, le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc. Celui-ci sera chargé de convoquer l’assemblée générale et de voter à la place des associés opposants (art. L. 631-9-1 nouveau). Certes, les prérogatives du mandataire, se substituant aux associés, sont limitées : il ne peut voter que pour reconstituer les capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social. Néanmoins, en pratique, cette mesure nouvelle peut induire une forte dilution pour les associés en place, voire entraîner leur éviction de la société en cas de « coup d’accordéon ».
  • Enfin, en cas de modification du capital social ou de cession des droits sociaux prévues dans le projet de plan de redressement ou dans ce plan, les clauses d’agrément sont réputées non-écrites (art. L.631-19 II). Cette disposition n’a pas d’équivalent en procédure de sauvegarde.

Contrats en cours

La règle controversée du paiement comptant des prestations fournies au cours de la période d’observation est écartée en sauvegarde, elle est en revanche maintenue en redressement et en liquidation judiciaire (art. L.622-13, L.631-14 et L.641-11-1).

Comités de créanciers

  • Les créanciers sont autorisés à présenter un ou plusieurs projets de plan qui seront examinés par les comités (art. L.626-30-2). Le plan adopté par le comité de créanciers pourra donc être différent de celui soutenu par le débiteur ou l’administrateur et devra alors être présenté au tribunal de manière concurrente.
  • La validité des conventions de vote au sein des comités est expressément affirmée. Ces conventions doivent être portées à la connaissance de l’administrateur judiciaire qui dispose de la possibilité de saisir le président du tribunal ayant ouvert la procédure en la forme des référés afin que celui-ci tranche tout désaccord né de ces conventions (art. L.626-30-2).
  • Les obligataires bénéficiant d’une fiducie à titre de garantie de leurs obligations sont exclus, à hauteur des créances ainsi garanties, du droit de voter dans l’assemblée des obligataires (art. L.626-32).
  • Le délai imparti aux comités pour se prononcer peut être prorogé jusqu’au terme de la période d’observation (art. L.626-34).

Introduction d’une nouvelle nullité de plein droit dans le cadre d’une déclaration d’insaisissabilité faite en application de l’article L.526-1 du code de commerce (art. L.632-1)

Groupes de sociétés

Lorsque plusieurs tribunaux sont saisis de procédures concernant des sociétés contrôlées par la même société ou contrôlant les mêmes sociétés au sens de l’article L.233-3 du code de commerce, un administrateur et un mandataire judiciaire commun à l’ensemble des procédures peuvent être désignés (art. L.662-8).

Introduction d’une « sauvegarde accélérée »

Cette procédure est introduite dans une logique de prévention, en complément de la sauvegarde financière accélérée (SFA) qui permet d’ores et déjà à l’entreprise de bénéficier d’un plan de sauvegarde express. L’idée est de permettre à un plus grand nombre d’entreprises d’élaborer un projet de restructuration en phase de conciliation en obtenant le soutien d’un nombre significatif de créanciers afin d’assurer la pérennité de l'entreprise, puis de demander l’ouverture d’une sauvegarde qui doit déboucher sur un plan dans un délai maximum de trois mois (art. L.628-1 et suivants).

Si la SFA est réservée aux créanciers financiers, la sauvegarde accélérée est désormais étendue à tous les créanciers (sauf les salariés).

Comme cette nouvelle procédure accélérée requiert un vote majoritaire des comités de créanciers, il a été jugé nécessaire de la réserver aux entreprises dépassant certains seuils (qui seront fixés par décret) ou établissant des comptes consolidés.



Auteurs

Portrait deAlexandre Bastos
Alexandre Bastos
Associé
Paris