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La transposition en France de la directive sur le CbCR public

Quelques spécificités à relever

25/09/2023

La directive 2021/2101 du 1er décembre 2021 qui impose l’établissement, la publication et la mise à disposition d’une déclaration pays-par-pays par les entreprises multinationales a été transposée en France par voie d’ordonnance en date du 21 juin 2023, en application de l’habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023. L’ordonnance a été complétée d’un décret et d’un arrêté tous deux du 22 juin 2023. Si les termes de l’ordonnance sont d’une manière générale en ligne avec la directive, quelques spécificités peuvent toutefois être relevées.

La nouvelle obligation de déclaration pays-par-pays publique s’applique aux exercices ouverts à compter du 22 juin 2024. Ainsi, pour les entreprises françaises clôturant au 31 décembre, le premier exercice à déclarer sera l’exercice clos le 31 décembre 2025, et la publication devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2026.

Les entreprises dans le champ de l’obligation

L’ordonnance s’applique tant à des entreprises françaises qu’à des entreprises dont le siège est situé hors de l’UE et de l’Espace Economique Européen (« EEE »). Une première spécificité dans la transposition française tient au fait que la France traite de manière identique les Etats membres de l’UE et ceux de l’EEE pour les besoins de l’application de cette nouvelle obligation.

Sont concernées par l’obligation de déclaration pays-par-pays publique en France (i) les sociétés mères ultimes françaises1, (ii) les sociétés autonomes françaises2, (iii) les filiales françaises contrôlées par une société mère ultime dont le siège est situé hors de l’UE et de l’EEE3, (iv) les sociétés autonomes dont le siège est situé hors de l’UE et de l’EEE4 détenant des succursales en France ainsi que (v) les sociétés non françaises et appartenant à un groupe consolidé constitué par une société mère ultime dont le siège est situé hors de l’UE et de l’EEE5 détenant des succursales en France. Les sociétés autonomes françaises et les sociétés mères ultimes françaises qui ne disposent pas d’un établissement stable à l’étranger et sont présentes uniquement sur le marché français, ainsi que les entreprises déjà concernées par une obligation similaire dans le secteur bancaire et financier, sont exclues du champ de l’obligation.

Les entreprises mentionnées ci-dessus entrent dans le champ du dispositif sous réserve du respect des critères de seuils suivants. Le premier critère est un seuil de chiffre d’affaires fixé à 750 millions d’euros. Il est évalué au niveau de la société autonome ou du groupe consolidé et doit avoir été dépassé à la date de clôture des deux derniers exercices financiers consécutifs. Le second critère est composé de plusieurs seuils évalués au niveau de chaque filiale ou succursale française concernée. Ainsi que le permet la directive, la France a adopté ses propres seuils. Les filiales françaises dans le champ du dispositif sont uniquement celles pour lesquelles, au titre du dernier exercice comptable clos, deux des trois seuils suivants sont dépassés : un total de bilan de 6 millions d’euros, un montant net de chiffre d’affaires de 12 millions d’euros et un nombre moyen de 50 salariés employés au cours de l’exercice. Les succursales françaises concernées sont quant à elles celles dont le chiffre d’affaires excède 12 millions d’euros. Ces seuils sont plus élevés que les seuils auxquels renvoie la directive.

Enfin, l’ordonnance reprend la clause anti-abus prévue par la directive visant à attraire dans le champ d’application toutes les filiales et succursales pour lesquelles les seuils susmentionnés ne seraient pas dépassés et qui n’ont d’autres fins que de contourner l’obligation posée par la directive.

L’établissement de la déclaration et son contenu

La déclaration doit être préparée à l’aide des informations à la disposition de la société mère ultime ou de la société autonome, quel que soit son lieu d’établissement (même si la publication de la déclaration peut incomber à une autre entité). Lorsque l’obligation de publication incombe à une filiale ou à une succursale, celle-ci doit demander à la société mère ultime ou la société autonome la déclaration ou les informations nécessaires à son établissement. A défaut, la filiale ou la succursale est tenue de publier une déclaration avec les informations en sa possession et de joindre à celle-ci une déclaration indiquant que les informations nécessaires ne lui ont pas été communiquées.

L’ordonnance prévoit que la déclaration doit présenter la liste de toutes les filiales consolidées établies dans l’UE ou l’EEE, dans un Etat figurant sur la liste des Etats et territoires non coopératifs (« ETNC ») de l’UE, ou sur la liste grise de l’UE. Elle reprend le même contenu d’informations à déclarer que la directive, soit le nom de l’entreprise, l’exercice financier, la devise utilisée, une brève description de la nature des activités réalisées, le nombre de salariés employés en équivalent temps plein, les montants respectifs de chiffre d’affaires, de bénéfice avant impôt, d’impôt sur les bénéfices dû, d’impôt sur les bénéfices acquitté et des bénéfices non distribués.

Les informations doivent être présentées séparément pour chaque Etat membre de l’UE et de l’EEE, ainsi que pour chaque juridiction figurant au 1er mars de l’exercice concerné par la déclaration sur la liste des ETNC et pour chaque juridiction figurant au 1er mars de l’exercice concerné par la déclaration et de l’exercice précédent sur la liste grise de l’UE. Les informations relatives aux autres Etats sont présentées sous une forme agrégée. Un modèle commun et des formats de déclaration électroniques devraient prochainement faire l’objet d’un arrêté.

Reprenant la possibilité offerte par la directive, l’ordonnance et le décret autorisent enfin l’omission, pendant au maximum 5 ans, d’éléments dont la divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des sociétés concernées (sauf ceux relatifs à des ETNC ou des juridictions de la liste grise de l’UE) et sous réserve que les motifs de l’omission figurent dans la déclaration.

Les modalités de publication

La directive prévoit à titre principal la publication de la déclaration sur le site internet d’une entité du groupe mais également, en guise d’alternative, de rendre accessible celle-ci sur un registre central, accessible gratuitement au public (le site internet devant renvoyer vers ce registre). L’introduction de cette dispense n’est qu’une simple faculté pour les Etats membres.

La transposition française introduit une spécificité en imposant le cumul de la publication sur le site internet et de l’accessibilité sur le registre du commerce et des sociétés (« RCS »). A cet égard, l’ordonnance prévoit que la déclaration, une fois traduite en langue française (lorsque cela est nécessaire) certifiée conforme, est d’une part déposée au greffe du tribunal de commerce pour être annexée au RCS et d’autre part publiée sur un site internet, et ce dans un délai de 12 mois à compter de la clôture. En complément, un avis est inséré au BODACC faisant état du dépôt de la déclaration.

Le site internet peut être celui soit de la société mère ultime ou la société autonome française, soit de la filiale ou succursale française, soit de toute entité étrangère liée à une filiale ou succursale française. En revanche, si aucune autre entité n’a publié et rendu accessible la déclaration, il incombe à la filiale ou succursale française d’y procéder. Ainsi, si la déclaration est publiée sur le site internet de la société mère ultime étrangère, la filiale française devrait être dispensée de publier sur son propre site. 
La déclaration doit rester accessible pendant 5 ans. En cas de publication sur le site internet d’une entreprise d’un Etat tiers, les noms et adresses des filiales et succursales françaises doivent être mentionnés.

Le contrôle du respect des obligations

Le respect de l’obligation de déclaration pays-par-pays publique est assuré, selon les sociétés tenues à la déclaration, soit par les organes de direction de cette société, soit par le représentant légal (ou équivalent) de l’entité étrangère en France.
Les commissaires aux comptes doivent indiquer dans leur rapport si l’entité est soumise à l’obligation de déclaration pays-par-pays publique et, le cas échéant, attester si la déclaration, pour l’exercice précédent celui pour lequel les comptes sont certifiés, a été publiée et mise à disposition. Ce contrôle semble toutefois limité à la publication et à l’accessibilité de la déclaration et non à la conformité de son contenu.

Par ailleurs, toute personne peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre aux sociétés concernées de se conformer aux obligations déclaratives.

La directive renvoie le soin aux Etats membres d’édicter les mesures de sanctions en cas de non-respect des obligations. En l’état de la transposition française, les sanctions qui seront applicables en France n’ont pas encore été précisées.

Article paru dans Option Finance le 15/09/2023


 1) Art. L233-28-1, code de commerce.
 2) Art. L232-6, code de commerce.
 3) Art. L233-28-2, I, code de commerce.
 4) Art. L232-6-1, code de commerce.
 5) Art. L233-28-2, II, code de commerce.


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