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Le projet de loi « ALUR » et le droit de la copropriété et des intermédiaires immobiliers | Flash info Immobilier

04/11/2013

Source :
Projet de loi n°1179 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté en première lecture par le Sénat le 26 octobre 2013
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Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« ALUR »), adopté par le Sénat en première lecture le 26 octobre 2013, modifie sensiblement le droit de la copropriété (particulièrement la loi n°65-557 du 10 juillet 1965) et celui des intermédiaires immobiliers (la loi n°70-9 du 2 janvier 1970) afin d’améliorer la transparence dans la gestion des copropriétés et de restaurer la confiance entre consommateurs et professionnels.

1 - Les modifications apportées au droit de la copropriété

Plusieurs modifications d’envergure visent à améliorer la gestion administrative des copropriétés, à permettre la réalisation de travaux et à faciliter le redressement des copropriétés dégradées.

La création d’un registre d’immatriculation des copropriétés - Le projet de loi ALUR impose l’immatriculation de chaque syndicat des copropriétaires administrant des immeubles à destination partielle ou totale d’habitation sur un registre des syndicats de copropriétaires. Il prévoit, en cas de non-respect de cette obligation, des sanctions à l’encontre du syndic, qui ne peut les répercuter aux copropriétaires (1) .

L’information accrue des copropriétaires et des candidats acquéreurs de lots de copropriété - Le projet de loi ALUR impose au syndic d’établir une fiche synthétique de présentation de la copropriété regroupant les données financières et techniques essentielles relatives à la copropriété et à son bâti. La réalisation de cette fiche synthétique n’est toutefois obligatoire que dans les copropriétés à destination au moins partielle d’habitation ; elle sera accessible à tout copropriétaire et transmise à tout candidat acquéreur (2).

Le projet de loi fait également obligation au syndic de fournir aux agents immobiliers les informations nécessaires pour faire figurer dans les annonces relatives à la vente d’un lot de copropriété les nouvelles mentions exigées (structure de la copropriété, nombre de lots et de copropriétaires, montant des charges). Aucune sanction n’est prévue, en l’état, en l’absence de ces mentions.

Le syndic doit aussi communiquer aux agents immobiliers et aux notaires les documents utiles à transmettre au futur acquéreur d’un lot de copropriété (fiche synthétique, montant précis des charges courantes et hors budget prévisionnel, état global des impayés, notice d’information relative aux droits et obligations des copropriétaires). Le défaut des mentions requises dans la promesse de vente entraîne un report du délai de rétractation (3), pour ceux pouvant s’en prévaloir.

L’amélioration de la gouvernance au sein de la copropriété - Le projet de loi ALUR pose le principe du maintien du syndic désigné lors de la mise en copropriété de l’immeuble seulement après mise en concurrence préalable de plusieurs syndics et décision de la collectivité de l’assemblée générale (4). Un contrat-type de syndic sera défini par décret.

Le compte séparé obligatoire – Conformément aux demandes de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC), le projet de loi ALUR oblige le syndic à ouvrir pour chaque copropriété un compte séparé sans possibilité (contrairement à aujourd’hui) de faire voter une dispense par l’assemblée générale ; le syndicat des copropriétaires devient, dès lors, le seul bénéficiaire des éventuels intérêts du compte.

La réforme de la rémunération des syndics de copropriété - Le projet de loi ALUR prévoit, en contradiction avec les dispositions de l’arrêté dit Novelli en date du 19 mars 2010, que la rémunération du syndic est déterminée de manière forfaitaire. Il est précisé qu’une rémunération spécifique complémentaire pourra être perçue à l’occasion de prestations particulières dans des conditions définies par voie réglementaire.

Les nouvelles mesures de prévention de la dégradation des copropriétés – Une partie des mesures contenues dans le projet de loi ALUR vise les copropriétés dégradées et l’habitat indigne. Le texte propose une définition des copropriétés dégradées. La lutte contre l’habitat indigne est renforcée, dès lors que de tels logements ne peuvent pas être mis en location ; les sanctions contre les marchands de sommeil sont alourdies (5).

Afin de faciliter la réalisation des travaux de conservation des immeubles, le projet de loi ALUR abaisse les majorités en assemblée générale. La plupart des décisions relatives aux travaux de conservation des immeubles et de mise aux normes d’économie d’énergie pourront être prises à la majorité simple de l’article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 (6).

Il instaure un fonds de prévoyance obligatoire pour les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation de plus de 10 lots, lequel devra être alimenté par le versement des copropriétaires au moins à hauteur de 3% du budget annuel prévisionnel. Une exception est prévue si le diagnostic technique global de l’immeuble ne fait apparaître aucun besoin de travaux dans les dix prochaines années (7). Les cotisations à ce nouveau fonds seront garanties par le privilège immobilier spécial prévu à l’article 2374 du Code civil (8).

La réforme des procédures relatives aux copropriétés en difficulté - Le projet de loi ALUR réforme la procédure d’alerte, mise en place par la loi Molle n°2009-323 du 25 mars 2009, en prévoyant la possibilité de faire désigner un mandataire ad hoc par le président du tribunal de grande instance pour décider de mesures d’urgence dès lors qu’un pourcentage d’impayés de charges est dépassé. Le projet de loi ALUR abaisse le seuil à 15% d’impayés de charges pour les copropriétés de plus de 200 lots (au lieu de 25%) (9).

Il procède également à une refonte complète des textes relatifs au redressement des copropriétés en difficulté : suspension de l’exigibilité des créances qui peut aller jusqu’à douze mois après l’ordonnance de désignation de l’administrateur provisoire, étant précisé que ce dernier peut obtenir en référé une prorogation dudit délai à trois ans ; suspension ou interdiction de toute action en justice pour les créances antérieures à l’ordonnance de désignation de l’administrateur provisoire visant, notamment, à la condamnation du syndicat des copropriétaires à une sommes d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement ; recensement des créanciers avec déclaration des créances par les créanciers dans un délai qui sera fixé par un décret et principe d’inopposabilité des créances non déclarées dans les délais (10).

Enfin, le projet de loi ALUR crée une procédure nouvelle d’administration provisoire renforcée, lorsque « la situation financière ne permet pas de réaliser les travaux nécessaires pour la conservation et la mise en sécurité de l’immeuble, la protection des occupants, la préservation de leur santé » (11).

La réforme des textes visant le bail à réhabilitation et la convention d’usufruit de l’article L.253-1 du CCH – Le projet de loi ALUR permet l’application du bail à réhabilitation dans un immeuble soumis au régime de la copropriété (12). Par ailleurs, il aménage divers aspects, jusqu’alors problématiques, des rapports de la personne morale usufruitière d’un logement et du nu-propriétaire, dans le cadre de la copropriété des immeubles bâtis : représentation des parties à l’assemblée générale, répartition des charges et droits de vote respectifs….

2 - Les modifications apportées à la loi du 2 janvier 1970 dite « loi Hoguet » et son à décret d’application du 20 juillet 1972

L’objectif poursuivi est de renforcer la régulation du secteur de la gestion immobilière et du métier de syndic de copropriété afin de « restaurer le lien de confiance entre les professionnels et leurs clients » (sic) (13).

Une surveillance accrue des intermédiaires immobiliers - L’organisme de garantie financière devra contrôler que la garantie qu’il octroie à un intermédiaire immobilier est d’un niveau au moins égal au minimum légal et au montant maximal des fonds que celui-ci envisage de détenir. Ce contrôle devra être réalisé au moment de l’octroi de la garantie initiale, au moment de la révision annuelle obligatoire mais aussi du renouvellement de la carte professionnelle. A défaut, l’organisme de garantie pourrait engager sa responsabilité à l’égard des clients de l’intermédiaire immobilier ayant subi un dommage (14).

Il est également envisagé d’instituer des règles et des instances de contrôles spécifiques des activités d’intermédiation immobilières et de mettre en place un code de déontologie juridiquement contraignant. Il est ainsi prévu la création d’un organisme consultatif aux compétences centrées sur l’élaboration des règles déontologiques de la profession et des contours de l’obligation de formation continue ainsi que l’institution d’instances disciplinaires compétentes pour connaître des actions disciplinaires exercées à raison de faits commis par les intermédiaires immobiliers (15). Le projet de loi ALUR renforce le contrôle administratif exercé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les activités des professionnels de l’immobilier.

La modification des conditions d’exercice de la profession - Le projet de loi ALUR entend soumettre l’ensemble des intermédiaires immobiliers (sauf exceptions particulières) à une obligation de formation continue dont le respect dûment justifié conditionnera le renouvellement de la carte professionnelle (16), étant précisé que la délivrance et le renouvellement de celle-ci sont confiés au président de la chambre du commerce et d’industrie territoriale.

S’agissant des collaborateurs salariés ou indépendants de l’intermédiaire immobilier, le projet de loi ALUR entend ajouter trois nouvelles conditions d’exercice aux exigences classiques à savoir une obligation générale de justifier d’une compétence professionnelle, une obligation pour les collaborateurs indépendants de justifier de la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle et une interdiction pour les collaborateurs indépendants d’assurer la direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau (17).

Les nouvelles obligations d’information et de transparence - Le projet de loi ALUR oblige à mentionner, dans toute publicité effectuée par une personne visée à l’article 1er de la loi Hoguet quel que soit le support utilisé, le montant toutes taxes comprises de la rémunération de l’intermédiaire restant à la charge de chacune des parties (18).

Il oblige les intermédiaires immobiliers, qui se livrent ou prêtent leur concours à un acte de location d’un immeuble à usage d’habitation, à communiquer à l’observatoire des loyers territorialement compétent les informations relatives à l’immeuble et au bail (19).

Enfin, dans le prolongement des dispositions de la loi Molle n°2009-323 du 25 mars 2009, le projet de loi ALUR étend l’obligation d’information qui pèse sur les intermédiaires immobiliers concernant leurs liens directs ou indirects de nature capitalistique ou juridique avec toutes sociétés financières et établissements bancaires et toutes entreprises susceptibles d’intervenir au profit de leurs cocontractants.

Les nouvelles sanctions pénales et administratives - Le projet de loi ALUR consacre de nouvelles sanctions pénales et des sanctions administratives prononcées par la DGCCRF (20).


Ce projet exprime la volonté du Gouvernement d’améliorer la position des personnes les plus faibles. Il faut espérer qu’une telle réforme globale de l’ensemble des pans du droit relatif au logement n’aura pas pour effet de scléroser le marché immobilier en France.

Un diagnostic définitif ne pourra toutefois être posé qu’après l’adoption définitive du texte et de ses décrets d’application. En effet, des modifications d’envergure sont d’ores-et-déjà annoncées en deuxième lecture. Et de très nombreux dispositifs innovants n’entreront en vigueur qu’après l’adoption de décrets, qui bien plus que la loi elle-même, définiront les contours du paysage textuel de demain.


1 Voir articles 23 et 24 du projet de loi ALUR
2 Voir article 25 I du projet de loi ALUR
3 Voir article 25 II du projet de loi ALUR
4 Voir article 26 I du projet de loi ALUR
5 Voir article 42 du projet de loi ALUR
6 Voir article 28 du projet de loi ALUR
7 Voir article 27 I du projet de loi ALUR
8 Voir article 27 I 4°) du projet de loi ALUR
9 Voir article 29 du projet de loi ALUR
10 Voir article 30 du projet de loi ALUR
11 Voir article 30 3°) du projet de loi ALUR
12 Voir article 34 du projet de loi ALUR
13 Entretien avec Cécile Duflot sur l’adoption du projet de loi ALUR par l’Assemblée nationale – Dalloz Actualité 15 octobre 2013
14 Voir article 9 I 3°) du projet de loi ALUR
15 Voir article 9 II du projet de loi ALUR
16 Voir article 9 I 4°) du projet de loi ALUR
17 Voir article 9 I 5°) du projet de loi ALUR
18 Voir article 9 I 9°) du projet de loi ALUR
19 Voir article 1er I 8°) du projet de loi ALUR
20 Voir article 9 III 3°) du projet de loi ALUR

Par Jean-Luc Tixier, avocat associé et Charlotte Félizot, avocat

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Jean-Luc Tixier